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Quelle politique du logement pour 2014 ?

Publié le 15/12/2014
Auteur(s) - Autrice(s) : Sabine Le Bayon
Pierre Madec
Christine Rifflart
Cet article, écrit par les économistes Sabine Le Bayon, Pierre Madec et Christine Rifflart et issu du Repères "L'économie française 2014", examine la politique du gouvernement dans le domaine du logement depuis l'élection de François Hollande, qui vise à améliorer la situation des ménages sur l'ensemble des segments du marché du logement. Après avoir exposé la situation du logement en France (prix, mobilité, taux d'effort...), les auteurs étudient les mesures prises et leurs effets potentiels sur les différents marchés (locatif, accès à la propriété).

Depuis son élection, François Hollande a fait de la question du logement l'une de ses priorités. Mise en place d'observatoires des loyers, encadrement des loyers, augmentation des aides au logement, dispositif d'investissement locatif Duflot, baisse de la TVA sur la construction sociale, ajustement du prêt à taux zéro, sont autant de mesures d'ores et déjà actées par le gouvernement et qui visent à améliorer la situation des ménages sur l'ensemble des segments du marché du logement. Une fois exposée la situation du logement en France (prix, mobilité, taux d'effort…), nous étudierons les mesures prises et leurs effets potentiels sur les différents marchés (locations privée et sociale, accession à la propriété).

Des marchés bloqués par la hausse des prix

Des taux d'effort disparates et une faible mobilité des occupants...

Que ce soit à l'achat ou à la location, dans le secteur privé ou social, le marché du logement est touché par une pénurie de l'offre qui a pour conséquences directes une flambée des prix et une augmentation massive de la part des dépenses de logement dans le revenu des ménages (i.e. leur taux d'effort). Depuis le début des années 2000, les prix de l'immobilier ont connu des augmentations avoisinant 160% dans les zones les plus tendues. Les loyers y ont crû de près de 60%. Pour les accédants à la propriété, le renchérissement des prix à l'acquisition a renforcé les inégalités [Le Bayon, Levasseur et Madec, 2013]. Entre 2006 et 2010, 9% des ménages du premier quartile ont acquis leur résidence principale, en primo ou en secundo-accession. Cette proportion s'élevait à 15% pour la période 2000-2004. La hausse des prix a modifié profondément les conditions de solvabilité des ménages (allongement de la durée d'emprunt, ajustement des surfaces achetées et éloignement des centres-villes, impact croissant des transferts intergénérationnels...), et ce malgré l'importante baisse des taux d'intérêt sur la période. Cette situation a aussi créé, au niveau géographique, d'importantes disparités au sein du parc locatif privé. À surface équivalente, un ménage a un taux d'effort 23% supérieur s'il loue dans la région parisienne que s'il loue au sein d'une unité urbaine de moins de 200.000 habitants [Pirus, 2011]. De même, de profondes inégalités se sont creusées entre statuts d'occupation. En 2010, quand le taux d'effort médian net des ménages atteignait 20% dans le parc locatif social, il était de 27% dans le parc locatif privé et sur le marché de l'accession à la propriété. Au sein des 25% des ménages les plus pauvres, quand les locataires du parc privé subissaient un taux d'effort médian net de 33,6%, en hausse de 2 points par rapport à 2008, les locataires du parc social enregistraient un taux d'effort de 20,2%, soit plus d'un tiers inférieur, et en recul de 1,3 point sur la période [Arnault et Crusson, 2012]. Ces taux d'effort élevés sont pour une partie de la population autant de freins à la mobilité résidentielle, élément pourtant essentiel de la politique non seulement du logement, mais aussi de l'emploi. Enfin, au sein du parc social qui héberge près d'un ménage sur cinq, la situation est là aussi crispée. En 2011, seul 1 logement sur 10 faisait l'objet d'un emménagement (7% en île-de-France).

Compte tenu de l'écart de loyers entre les parcs privé et social et de la difficulté d'accès à la propriété, les ménages locataires sociaux sont financièrement contraints à l'immobilité. Le parc privé, avec des mises en location insuffisantes et des loyers de marché trop onéreux, est dans une situation quasi analogue avec deux marchés qui coexistent. Le premier est celui des logements où les locataires sont mobiles. Compte tenu de la rotation fréquente des locataires, les loyers fluctuent autour des loyers de marché (donc à des niveaux élevés), mais ne subissent pas de sauts importants lors des relocations successives. Le second est celui des logements occupés par des locataires plus sédentaires, à l'immobilité choisie ou contrainte. Plus l'immobilité du locataire est longue, plus l'écart entre son loyer et le loyer de marché se creuse. Pour certains ménages, le surcoût qu'engendrerait un déménagement n'est pas supportable et la situation d'immobilité perdure. À Paris, en 2012, alors que le loyer moyen des emménagés récents était de 23,4 euros/m², celui des logements occupés depuis plus de dix ans s'élevait à 16,8 euros/m², soit 28% inférieur. Malgré tout, les hausses des prix immobiliers étant plus élevées que celles des loyers, les taux de rendement locatif des propriétaires bailleurs ont été considérablement affaiblis.

... malgré une politique du logement coûteuse

La politique du logement a toujours été coûteuse pour les finances publiques. À travers les aides directes, les mesures fiscales et les avantages de taux, ce sont près de 45 milliards d'euros qui ont été dépensés en 2011 en faveur du logement (tableau 1). Cette enveloppe se compose d'avantages conférés aux «consommateurs» (41%) visant à alléger le taux d'effort des ménages, et aux «producteurs» (59%) pour favoriser l'offre. Au final, les locataires, privés et sociaux, bénéficient, directement (aides personnelles) ou indirectement (avantages conférés aux bailleurs), d'environ 35 milliards d'euros. Quant aux aides (directes ou indirectes) aux propriétaires occupants (aides perçues, réduction d'impôt sur les intérêts d'emprunt, prêt aidés...), elles représentent près de 10 milliards.

Face à l'impossibilité d'agir directement sur les prix de vente des logements, le gouvernement a mis en place des outils, législatifs et réglementaires, pour limiter la progression du taux d'effort des ménages et fluidifier la mobilité sur/entre les différents marchés. Ses moyens : agir à court terme sur les prix à la location et, à plus long terme, sur l'offre de logements.

Une politique du logement présente sur tous les fronts

Les mesures prises sur le marché privé

Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur une nouvelle mouture du prêt à taux zéro (PTZ), dispositif mis en place en 1995 pour faciliter l'accès à la propriété des ménages les plus modestes et dynamiser un marché de la construction atone. Ce nouveau PTZ, bien qu'apportant des réponses aux critiques formulées à l'égard de son prédécesseur, ne permettra pas d'améliorer la solvabilité des ménages aux capacités d'emprunt les plus réduites [Madec, 2013a]. De même, la question de son efficacité au regard de son coût reste posée. En 2012, le PTZ ne s'est traduit que par 2 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pour un coût de 1,3 milliard. De plus, certains ajustements restent à faire (absence de ciblage géographique pertinent, promotion insuffisante des logements à haute qualité environnementale...).

Afin de contrôler l'évolution du taux d'effort des locataires, notamment les plus modestes dont l'entrée sur le marché de l'accession est bloquée, le gouvernement a mis en place au 1er août 2012 et pour une durée d'un an, le décret d'encadrement des loyers à la relocation. Dans les zones tendues, l'augmentation des loyers ne peut excéder (sauf travaux) la moitié de l'écart entre le loyer pratiqué avant relocation et le loyer de marché. À terme, si elle est prorogée, la mesure devrait permettre une progression relativement faible du loyer de marché [Le Bayon, Madec et Rifflart, 2013]. Mais, pour que cette mesure soit efficace, cela nécessite la mise en place d'observatoires des loyers fiables dans tous les départements et que l'information sur le nouveau et l'ancien loyer figure sur le contrat pour informer le locataire et rendre possible un recours. C'est sans doute en partie en raison de ces manquements que les premières estimations fournies en mai 2013 par l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne concluent à l'absence d'effets probants de cette mesure sur l'évolution des loyers à la relocation en 2012 (+ 5% en agglomération parisienne). De plus, même si elle limitera la hausse des taux d'effort, cette mesure ne permettra pas de répondre aux problèmes de solvabilité des locataires les plus fragiles.

Pour aider ces ménages, le gouvernement a acté, au début de l'année, une augmentation de 500 millions d'euros de l'aide personnalisée au logement (APL). Poste budgétaire important de la politique du logement (voir supra), les aides personnelles au logement sont perçues par 6,4 millions de ménages et constituent, compte tenu de leur ciblage sur les ménages modestes, l'une des prestations sociales les plus redistributives. De plus, selon un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, elles permettent de réduire de 35,8% à 19,5% (hors charges) le taux d'effort médian des allocataires. Pour autant, cette efficacité s'effrite peu à peu. En 2012, 86,3% des locataires du parc privé avaient un loyer supérieur aux plafonds utilisés pour calculer les allocations. De ce fait, les hausses de loyer sont intégralement supportées par les locataires. Associée à la mesure d'encadrement des loyers, cette augmentation des aides permettra au mieux de ramener le taux d'effort des ménages allocataires à un niveau proche de celui de 2011 [Madec, 2013b]. Par ailleurs, ces hausses peuvent engendrer des effets inflationnistes importants, notamment en stimulant la demande et/ou en incitant les propriétaires à s'en approprier une partie au travers d'une augmentation des loyers.

Afin d'agir sur l'offre, et de proposer à moyen terme des logements aux loyers mieux contrôlés, le gouvernement a mis en place au début de l'année 2013, un nouveau dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif (dit «Duflot»). Avec des plafonds de loyers légèrement inférieurs aux loyers de marché et un crédit d'impôt faisant plus que compenser le manque à gagner pour le propriétaire, le Duflot est plus attractif pour le locataire et surtout plus rentable pour le propriétaire que la dernière génération du dispositif précédent dit «Scellier intermédiaire» [Le Bayon, Madec et Rifflart, 2013]. Si le dispositif affirme sa vocation plus sociale au travers des plafonds de ressources inférieurs à ceux du Scellier, ces plafonds restent supérieurs à ceux exigés lors de l'attribution de PLS (logements sociaux les moins aidés et destinés aux classes intermédiaires inférieures). De plus, la contrepartie fiscale, estimée à 1 milliard d'euros pour une génération de 40.000 logements Duflot, pose toujours question. Alors qu'un logement Duflot coûte en moyenne à l'État 25.000 euros (crédit d'impôt), un logement social de type PLS, c'est-à-dire un logement social présentant des plafonds de ressources inférieurs de 23%, engendre environ 33.000 euros d'aides publiques, directes (prêt aidé) ou indirectes (TVA réduite...). De plus, contrairement au logement Duflot qui sort du dispositif au bout de neuf ans, c'est un investissement public que l'État amortit dans le temps et dont la dimension sociale perdure pendant plusieurs décennies. La comparaison des coûts budgétaires annualisés de ces deux types de logements ne peut donc que plaider pour la suppression des mécanismes d'incitation à l'investissement locatif.

Pour peser durablement sur les prix, tant à l'achat qu'à la location, la poursuite du développement de l'offre sociale apparait inéluctable. L'objectif que le gouvernement s'est fixé est ambitieux (150.000 logements sociaux financés par an), et est à comparer aux 102.000 unités financées en 2012 (hors ANRU). Pour mémoire, un pic avait été atteint en 2010 avec le financement de 131.500 logements sociaux.

Les mesures pour stimuler l'offre de logements sociaux

Une réglementation renforcée. – Dans le cadre de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, la pression sur les collectivités locales est renforcée avec la révision de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) : d'ici 2025, le taux de logements sociaux à atteindre passe de 20% à 25% dans les communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en île-de- France) appartenant à une agglomération de plus de 50.000 habitants ; et l'obligation des 20% est élargie aux communes de plus de 15.000 habitants qui étaient jusque-là hors du périmètre SRU et qui sont en forte progression démographique. Ainsi, 812 communes (principalement situées en île-de-France, région PACA et les grandes communautés urbaines) seraient soumises au nouveau taux de 25% et 478 auraient un objectif de taux à 20%. Dans l'hypothèse où les obligations ne seraient pas respectées, les pénalités encourues pourront être multipliées par cinq.

Une action sur les coûts de production. – Face à l'insuffisance de foncier disponible dans certaines zones et à l'explosion des coûts de production (+85% entre 2000 et 2011), des solutions réglementaires et législatives existent pour agir sur les coûts : augmentation de la densité de construction, taxation des terrains au moment de leur détention et non de leur vente pour favoriser les transactions... [Timbeau, 2013 ; Trannoy et Wasmer, 2013].

Parmi les mesures prises figure la cession de terrains publics aux collectivités territoriales et EPCI. Le taux de décote (jusqu'à 100% de la valeur vénale) sera d'autant plus important que le territoire sera tendu et que le programme intégrera des logements locatifs très sociaux (type PLAI). Le foncier représentant environ 20% du prix de revient d'un logement social, l'impact devrait être non négligeable. Selon un premier inventaire publié par le ministère du Logement, 930 sites, seraient à vendre, ce qui permettrait la construction de 110.000 logements d'ici cinq ans (dont 50% en île-de-France), soit 15% de l'objectif du gouvernement en matière de logements sociaux. De plus, le taux de TVA pour la construction et la réhabilitation de logements sociaux qui devait passer de 7% en 2013 à 10% en 2014 (après 5,5% en 2011) sera finalement réduit à 5% au 1er janvier 2014. Le gain pour les bailleurs sociaux est estimé à plus de 300 millions d'euros (respectivement 800 millions d'euros) par an par rapport à 2013 (respectivement par rapport au taux de 10%) [Caisse des dépôts et consignations, 2013].

Un recours accru au livret A et aux subventions patronales. – L'une des spécificités du modèle français porte sur le non-recours aux marchés financiers obligataires [Levasseur, 2011]. Les bailleurs sociaux se financent principalement (73% en 2012) auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) où est déposée une partie de l'épargne en Livret A des ménages. Le reste provient de leurs fonds propres (12%), de la subvention de l'État (3%), des collectivités locales (8%) et des employeurs (3%). Aussi, pour gonfler les ressources, le plafond du livret A a été relevé en octobre 2012 et en janvier 2013, à 22.950 euros, soit 50% de plus que début 2012. Ceci s'est traduit par une collecte record (8,2 milliards en janvier 2013, contre 2,3 milliards en moyenne chaque mois en 2012) et la baisse récente du taux rémunérateur (de 2,25% à 1,75% en février 2013) n'a pas eu de répercussions négatives. La liquidité devrait donc être suffisante pour couvrir les besoins de financement. Mais, au-delà de ces prêts, il faut aussi que les autres financements soient suffisants. La contribution de l'État devrait peu varier (500 millions prévus en 2013, contre 433 millions dépensés en 2012). En revanche, les employeurs, via l'Action logement (ancien 1% Logement), devraient davantage être mis à contribution, ce qui limitera l'effort supplémentaire pour les collectivités locales et les bailleurs dans un contexte déjà tendu.


Repères bibliographiques :

ARNAULT S. et CRUSSON L., "La part du logement dans le budget des ménages en 2010", INSEE Première, n°1395, mars 2012.

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, "Pacte entre l'État et le monde HLM. 1er acte: baisse de la TVA à 5% dès 2014", Éclairages, étude n°2, avril 2013.

LE BAYON S., LEVASSEUR S. et MADEC P., "Achat de la résidence principale : le profil des ménages français au cours des années 2000", Revue de l'OFCE, n°128, 2013.

LE BAYON S., MADEC P. et RIFFLART C., "Quelle régulation du marché locatif privé ?", Revue de l'OFCE, n°128, 2013.

LEVASSEUR S., "Cherté du logement : le logement social est-il la bonne solution?", Les Notes de l'OFCE, n°4, octobre 2011.

MADEC P., "Prêt à taux zéro: ne prête-t-on qu'aux riches ?", Blog de l'OFCE, avril 2013a.

MADEC P., "Augmentation des aides au logement: une fausse bonne idée ?", Blog de l'OFCE, février 2013b.

PIRUS C., "Le taux d'effort des ménages en matière de logement", Les Revenus et le patrimoine des ménages, INSEE, 2011.

TIMBEAU X., "Comment construire (au moins) 1 million de logements en île-de- France?", Revue de l'OFCE, Débats et Politiques, n°128, 2013.

TRANNOY A. et WASMER E., "Comment modérer les prix de l'immobilier ?", Les Notes du CAE, n°2, février 2013.

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