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Le Pacte de stabilité et de croissance

Publié le 04/09/2003
Auteur(s) - Autrice(s) : Jérôme Creel, Jacques Le Cacheux
L'année 2002 a vu se multiplier les tensions et polémiques entre autorités européennes et nationales autour des orientations budgétaires, faisant clairement apparaître les limites et les graves défauts de conception des règles de politique budgétaire dans la zone euro. Face à ces débordements, la mise en échec, par les plus grands pays, du dispositif d'encadrement des finances publiques nationales dans la zone euro oblige à s'interroger sur sa pérennité. Faut-il tenter, comme le fait la Commission, d'appliquer coûte que coûte une règle manifestement intenable? Doit-on, à l'inverse, abandonner toute velléité d'imposer des règles aux politiques budgétaires nationales? Ne conviendrait-il pas, si l'on s'accorde sur la nécessité d'assurer une certaine discipline budgétaire aux États membres, de réformer le PSC, pour remédier à ses principaux défauts et rendre enfin crédible sa mise en œuvre?

Le ralentissement marqué et prolongé de l'activité économique que connaît l'Europe, et notamment la zone euro, depuis le début de l'année 2001, a révélé les faiblesses du contexte institutionnel destiné à encadrer les politiques budgétaires nationales et à favoriser leur coordination. Âprement discuté et critiqué par certains lors de son adoption, en 1997, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) avait, depuis 1999, semblé moins contraignant que prévu, au point d'apparaître comme un instrument utile. Dans une période de croissance soutenue, le PSC avait favorisé la poursuite, dans tous les pays membres de la zone euro, des politiques d'ajustement budgétaire entamées sous la pulsion des fameux "critères de Maastricht": les déficits publics se réduisaient jusqu'à atteindre, dans plusieurs petits pays de la zone, des excédents budgétaires significatifs, et les ratios d'endettement public (dette publique brute/PIB) s'inscrivaient, partout, à la baisse [Creel, Latreille et Le Cacheux, 2002]. Conçues comme un cadrage global destiné à mieux planifier les politiques nationales à moyen terme et à mieux les coordonner au sein de la zone euro, les grandes orientations de politique économique (GOPE) devaient conférer à l'ensemble une plus grande cohérence, tout en préservant, en théorie, l'autonomie des gouvernements nationaux en matière budgétaire et fiscale.

La première manifestation des faiblesses intrinsèques du dispositif institutionnel encadrant les politiques budgétaires dans la zone euro remonte en février 2001: sur recommandation de la Commission européenne, jugeant la politique budgétaire insuffisamment restrictive dans un contexte de surchauffe de l'économie irlandaise et d'inflation plus élevée que la moyenne, les quatorze ministres des Finances des partenaires de l'Irlande décidaient d'adresser au gouvernement de ce pays une recommandation, alors même que le budget irlandais respectait en tous points les règles européennes en vigueur. En l'occurrence, le gouvernement irlandais ignora la recommandation, réaction doublement appropriée, puisque le ralentissement économique vint conforter son obstination.

L'année 2002 a vu se multiplier les tensions et polémiques entre autorités européennes et nationales autour des orientations budgétaires, faisant clairement apparaître les limites et les graves défauts de conception des règles de politique budgétaire dans la zone euro. Dès février, la Commission proposait au Conseil, qui refusait alors, d'engager une procédure pour déficit public excessif à l'encontre de l'Allemagne et du Portugal. En septembre, le gouvernement français présentait au Parlement un projet de loi de finances fondé sur une prévision de croissance "volontariste" et affichant, malgré cela, un déficit public qui, bien que respectant la limite des 3 % du PIB inscrite dans le PSC, devait se creuser en2003, après une première augmentation en 2002; cela déclencha le premier débat ouvert sur le PSC [Creel et alii,2002], tout en attirant, de la part de la Commission, une proposition d'avertissement précoce pour la France. Le Portugal, avec un déficit public à 4,1 % du PIB en 2001 et prévu à 3,4 % en2002, et l'Allemagne, dont le déficit devrait atteindre 3,8 % en 2002 et 3,1% en 2003 (cf. prévisions de la Commission, novembre 2002), devraient pour leur part subir les sanctions prévues pour déficit public excessif.

Face à ces débordements, la mise en échec, par les plus grands pays, du dispositif d'encadrement des finances publiques nationales dans la zone euro oblige à s'interroger sur sa pérennité. Faut-il tenter, comme le fait la Commission, dont c'est le mandat, d'appliquer coûte que coûte une règle manifestement intenable? Doit-on, à l'inverse, abandonner toute velléité d'imposer des règles aux politiques budgétaires nationales? Ne conviendrait-il pas, si l'on s'accorde sur la nécessité d'assurer une certaine discipline budgétaire aux États membres, de réformer le PSC, pour remédier à ses principaux défauts et rendre enfin crédible sa mise en œuvre?

Dispositions institutionnelles

Le PSC est défini par la résolution du Conseil européen du 17juin 1997 et par deux règlements du Conseil (1466/97, 1467/97). Dérivés du traité de Maastricht, ils en prorogent les dispositions en termes de déficit public et promeuvent la surveillance et la coordination des politiques budgétaires.

La résolution précise les deux objectifs fondamentaux du PSC:prévention et dissuasion. Le premier objectif est développé dans le premier règlement; le second objectif et son corollaire répressif font l'objet du second règlement.

Le premier règlement, supposé favoriser le renforcement de la procédure de surveillance des politiques économiques créée par le traité de Maastricht, stipule que tout État membre doit rendre public chaque année un "programme de stabilité" (pays membre de la zone euro) ou un "programme de convergence" à moyen terme, comprenant des prévisions macroéconomiques, ainsi que l'évolution des dépenses et recettes budgétaires à venir. L'objectif affiché dans les programmes est d'obtenir un budget total "excédentaire ou proche de l'équilibre", de manière à reconstituer les marges de manœuvre permettant de laisser jouer pleinement les stabilisateurs automatiques et à accumuler l'épargne nécessaire pour faire face aux retraites futures.

Sur la base d'une évaluation transmise par la Commission, le Conseil contrôle les programmes de stabilité ou de convergence pour identifier toute divergence significative par rapport à l'objectif de moyen terme. Bien que le règlement ne prévoie pas de définition pour la "divergence significative", la Commission a depuis identifié trois critères pour la caractériser: la dimension du dérapage par rapport à l'objectif, l'origine discrétionnaire du dérapage et le risque de déficit excessif. Si une divergence significative est avérée, la procédure dite "d'avertissement précoce" peut être déclenchée par la Commission. Sur proposition de la Commission, le Conseil peut ensuite décider d'adresser des recommandations aux pays s'écartant de leur programme.

Le second règlement renforce les dispositions de l'article 104c du traité de Maastricht concernant le dépassement des déficits publics de la référence de 3 % de PIB. La Commission doit préciser au Conseil si un dépassement de 3 % du PIB constitue un déficit excessif ou entre dans le cadre de "circonstances exceptionnelles et temporaires": ainsi en est-il si le dépassement résulte d'une "circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné"; dans ce cas, "le dépassement de la valeur de référence est considéré comme temporaire si les prévisions budgétaires établies par la Commission indiquent que le déficit tombera au-dessous de la valeur de référence lorsque la circonstance inhabituelle ou la grave récession aura disparu". Il en va de même si le dépassement est consécutif à une récession grave soit, "en principe", une baisse annuelle du PIB de 2 % ou plus. En dehors de ces circonstances atténuantes, le pays concerné devra faire disparaître son déficit dans l'année suivante. Sinon, il pourra être soumis à un dépôt non rémunéré de 0,2 % du PIB plus un dixième du dépassement de la valeur de 3 %, plafonné à 0,5 % du PIB, qui pourra finalement être converti en amende si le déficit persiste après deux ans. Autre sanction possible: l'arrêt des opérations de la Banque européenne d'investissement avec le pays concerné.

Cette procédure n'est toutefois pas automatique. Le Conseil doit en effet décider à une majorité qualifiée de tous ses membres (y compris ceux qui n'appartiennent pas à la zone euro) si un déficit de plus de 3% du PIB est excessif. Suite aux observations présentées par l'État concerné, le Conseil peut juger qu'un recul inférieur à 2 % du PIB constitue une récession grave. Les États membres s'engagent "en principe" à ne pas invoquer cette dernière possibilité s'ils n'ont pas subi un recul d'au moins 0,75 % du PIB. Cependant, cet engagement n'est pas juridiquement contraignant puisqu'il figure dans la résolution et non dans le règlement du Conseil. Si un déficit est jugé excessif, le Conseil peut adresser des recommandations de politique économique à l'État en question et, dans le cas où ces recommandations ne seraient pas suivies, il peut décider d'infliger les sanctions. Cette décision doit être votée à une majorité des deux tiers, les pays participant à la zone euro étant les seuls à pouvoir voter à l'exclusion du pays concerné.

Fondements économiques des règles de politique budgétaire

Au nom de quoi imposer aux politiques budgétaires nationales des règles, puisque l'interprétation actuelle du principe de subsidiarité conclut que ces politiques doivent demeurer entre les mains des gouvernements nationaux et que, d'autre part, l'argument économique principal en faveur d'une telle affectation est fondé sur le souci de compenser, pour ces mêmes gouvernements, la perte de l'instrument que constituait la politique de change? Il importe de clarifier les raisons d'un tel choix et d'expliciter les objectifs qui, ce faisant, sont poursuivis pour identifier les défauts majeurs de la règle actuelle et les propriétés que devrait viser une réforme.

Le maintien, dans l'union monétaire, d'une décentralisation budgétaire, avec un budget européen de taille réduite et des budgets nationaux importants et autonomes, est un choix institutionnel qui, en matière de stabilisation macroéconomique, est censé permettre aux gouvernements nationaux de conserver un instrument d'ajustement, notamment en cas de choc asymétrique, c'est-à-dire n'affectant qu'un pays, ou un groupe de pays au sein de la zone euro. Pour certains, l'imposition d'une règle limitant cette autonomie peut être justifiée par une défiance à l'égard des gouvernements démocratiquement élus: les risques d'une gestion "irresponsable" des finances publiques seraient tels qu'une règle limitant strictement les marges de manœuvre serait nécessaire, d'autant plus que la disparition des monnaies nationales, donc des taux de change, a supprimé le moyen traditionnel dont disposaient les marchés financiers pour sanctionner de tels excès. Mais, en dehors de cette position "technocratique", l'imposition des règles est fondée, tout comme les plaidoyers en faveur de la coordination des politiques nationales, sur l'hypothèse d'existence d'interdépendances (ou externalités) fortes entre les économies nationales au sein d'une union monétaire.

Engendrant des effets induits sur les partenaires, ces externalités sont, a priori, de plusieurs sortes: certaines, telles que les effets, keynésiens, d'entraînement de la demande que suscitent les politiques budgétaires, sont positives; d'autres, telles qu'une éventuelle hausse des taux d'intérêt engendrée par l'accroissement de la dette publique, selon un mécanisme d'éviction, sont négatives. Bien qu'empiriquement mal établies, donc difficilement hiérarchisables, ces externalités sont probablement toutes à l'œuvre dès lors que les marchés sont intégrés, et se renforcent à mesure que l'union monétaire favorise cette intégration. La coordination est susceptible d'aboutir à un meilleur usage collectif des externalités positives, grâce au dépassement qu'elle permet des comportements opportunistes de type "passager clandestin". Les règles sont, au contraire, destinées à éviter ou à limiter les externalités négatives engendrées par des politiques nationales tenant insuffisamment compte des coûts qu'elles infligent aux partenaires. Les règles ainsi fondées visent donc, pourvu qu'elles soient acceptées et que leur respect soit assuré, par libre consentement ou par la contrainte, la "crédibilité" du dispositif institutionnel, au sens où elles empêchent les débordements qui en menaceraient la stabilité, donc la survie.

Dans le cas des politiques budgétaires, les externalités négatives généralement évoquées sont, d'une part, les effets induits des déficits sur les taux d'intérêt dans l'ensemble de la zone et sur le taux de change de l'euro; d'autre part, les risques à long terme que font peser sur l'indépendance de la banque centrale, donc sur la stabilité monétaire dans la zone, les comportements d'endettement "excessif", c'est-à-dire insoutenable. Dans un monde "idéal", des marchés financiers efficients imposeraient spontanément aux gouvernements une discipline financière suffisante pour éviter de tels excès; mais dans la réalité, et singulièrement dans la zone euro, les marchés ne semblent pas discriminer entre les différents titres de dette publique des pays membres, comme le montre la convergence presque parfaite des taux d'intérêt nominaux à long terme dans la zone euro, et ne sont pas suffisamment clairvoyants pour prévenir les dérapages financiers, d'où qu'ils proviennent [1] .

Dans la mesure où l'expérience des quatre premières années d'existence de l'euro n'indique pas que les "sanctions" infligées par les marchés financiers à l'ensemble de la zone en cas de creusement des déficits publics de certains pays sont lourdes en termes de taux d'intérêt longs - qui ne réagissent pratiquement pas aux annonces budgétaires- ou de taux de change externe de l'euro - qui s'est plutôt apprécié à mesure que les déficits publics se creusaient dans les principaux pays de la zone -, c'est sans doute la crainte d'une insoutenabilité à long terme de certains comportements d'endettement public qui se révèle être le fondement principal d'une règle budgétaire dans la zone euro. Si tel est le cas, ce que l'on doit assurer est bien que le ratio d'endettement public (c'est-à-dire la dette publique, nette en principe, rapportée au PIB) n'explose pas. Il convient donc de veiller à sa stabilité, à long terme, et de viser un certain niveau du ratio, à l'instar de ce que prévoyait le traité de Maastricht [2].

Or la soutenabilité d'un endettement, public ou privé, dépend, pour un comportement donné de dépenses et de recettes, de la différence entre le taux de croissance à venir et le taux d'intérêt: si le premier est supérieur au second, tout niveau d'endettement est soutenable; dans le cas contraire, le débiteur doit, pour éviter une explosion de sa dette, faire des efforts et dégager des excédents de ses recettes sur ses dépenses. Imposer, comme le fait actuellement le PSC, des limites aux déficits publics revient, dans ce raisonnement, à supposer que la politique budgétaire est sans effet sur les facteurs qui régissent la dynamique du ratio d'endettement, si ce n'est par l'intermédiaire de la hausse induite du taux d'intérêt qu'un déficit "excessif" engendrerait.

Il y a, au contraire, de bonnes raisons, théoriques et empiriques, de penser que la politique budgétaire peut avoir un effet de long terme sur le taux de croissance "potentiel" de l'économie, soit négatif, si les prélèvements obligatoires induisent des distorsions si fortes que les ressources sont insuffisamment ou mal mobilisées, soit positif, si certaines dépenses publiques - infrastructures, mais aussi éducation, recherche et développement, etc. - permettent d'accroître la productivité du secteur privé, donc d'atteindre un sentier plus élevé de croissance à long terme.

Réformer le Pacte de stabilité?

Les critiques du PSC, tel qu'il est actuellement, ne remettent pas généralement en cause la nécessité d'une règle assurant la soutenabilité des endettements publics nationaux. Elles se concentrent, le plus souvent, sur les défauts de la règle actuelle. Parmi ceux-ci, le plus apparent est, bien sûr, le manque de crédibilité d'une règle qui n'est pas respectée.

Le deuxième défaut est le biais procyclique de la règle actuelle: les "cagnottes" en haut de cycle ne sont pas utilisées principalement pour réduire les déficits, à tel point que ceux-ci sont vite contraints par la limite des 3 % du PIB en phase de récession; et, dans ce cas, les politiques contracycliques, même sous leur forme "passive" de stabilisateurs automatiques budgétaires, sont empêchées.

Prenant, tardivement, conscience de ce biais, la Commission a proposé, en juin 2001, une redéfinition de la norme de "solde en excédent ou proche de l'équilibre" à moyen terme, non plus en termes de solde total, mais en termes de solde corrigé des effets de la conjoncture, c'est-à-dire de solde structurel. Ne seraient donc plus incluses dans la norme de moyen terme les hausses du déficit dues à la baisse des recettes et à la hausse des dépenses sociales, baisse et hausse supposées être temporaires, donc réversibles.

L'avantage d'une telle règle est évident: une norme de déficit structurel permet de laisser jouer pleinement les stabilisateurs automatiques budgétaires, puisque la norme s'assouplit mécaniquement dès que l'activité économique tombe en dessous de son sentier de croissance potentielle. Ainsi, les ralentissements de la croissance, et pas seulement les "récessions sévères" comme dans la version actuelle du PSC, autorisent-elles des politiques budgétaires plus expansionnistes. À l'inverse, la norme se durcit d'elle-même à mesure que la reprise s'affermit.

Cette proposition a cependant au moins deux défauts. En premier lieu, la Commission ne remet pas en cause la limite de 3% en termes de déficit total, donc y compris les effets de la conjoncture. En second lieu, il faut que les gouvernements nationaux de la zone euro s'accordent sur l'évaluation d'un sentier de croissance potentielle, puisque le solde courant est, dans cette hypothèse, corrigé en fonction de l'output gap, écart entre le PIB courant et son potentiel. Or le sentier de croissance sous-jacent dépend de l'orientation des politiques économiques, notamment budgétaires, et le PIB potentiel est de ce fait endogène et influencé par la politique budgétaire. Les calculs d'output gap effectués récemment par la Commission ne prennent pas en compte cette endogénéité, et se fondent sur une hypothèse très basse de croissance potentielle.

Le troisième effet néfaste du PSC, sous sa forme actuelle, tient, de ce point de vue, à ce que les gouvernements, soucieux de préserver une apparente orthodoxie financière en respectant le critère de 3 %, sont plus enclins à tailler dans leurs projets d'investissement public que dans les dépenses de fonctionnement, voire à augmenter certains impôts, comme l'a récemment annoncé l'Allemagne, ce qui a pour conséquence d'introduire un biais structurellement dépressif sur la croissance. Pour y remédier, il est possible d'adopter une règle sur le déficit public s'inspirant de celle adoptée au Royaume-Uni.

Le gouvernement britannique s'est en effet donné, depuis 1997, une règle à moyen terme d'équilibre des finances publiques, dite "règle d'or", qui stipule que le déficit public "de fonctionnement", c'est-à-dire hors dépenses d'investissement public, doit être nul à moyen terme. Adopter une telle règle suppose, bien sûr, que les gouvernements s'accordent sur une classification des dépenses distinguant les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement public.

Idéalement, il conviendrait donc de promouvoir une règle portant sur un déficit structurel hors investissement public. Cette règle donnerait à chaque pays une vraie autonomie, conformément au principe de subsidiarité, dans le choix de la place que chaque société est prête à accorder à l'État dans la régulation macroéconomique et dans la redistribution des richesses produites, au travers de l'éducation notamment. Car l'enjeu est bien aussi d'aboutir à une nouvelle convention sur la nomenclature des dépenses publiques, afin de distinguer celles susceptibles d'influer sur le PIB potentiel, conformément à l'objectif de soutenabilité de la dette. La notion d'investissement public à laquelle nous nous référons va donc bien au-delà du capital physique.

Cette règle ménagerait la croissance, mais aussi le libre jeu des stabilisateurs automatiques. Et les gouvernements européens pourraient se permettre d'opter pour un plafond d'apparence rigoureuse: ainsi, par exemple, interdire tout déficit structurel hors dépenses d'investissement public - donc imposer un plafond à zéro, soit des excédents en période de haute conjoncture - serait moins restrictif que la règle actuelle des 3 % du PIB, tout en apparaissant moins arbitraire, plus légitime, donc plus crédible.

En outre, cette nouvelle règle accorderait aux pays européens des marges de manœuvre conséquentes, leur permettant de mettre en œuvre une relance de grande ampleur pour compenser les effets de la récession actuelle et, pour les pays qui en ont besoin, notamment parmi les futurs membres, de rattraper économiquement leurs partenaires en améliorant leur offre d'infrastructures publiques et d'éducation.

Bibliographie

CREEL J., DUPONT G, LECACHEUX J., STERDYNIAK H. et TIMBEAUX., "Le budget 2003: le pécheur non repenti", Lettre de l'OFCE, n° 224, 11 octobre 2002.

CREEL J., LATREILLE T. et LECACHEUX J., "Le PSC et les politiques budgétaires dans l'Union européenne", Revue de l'OFCE, hors série, mars 2002.

FITOUSSI J.-P., et LECACHEUX J. (dir.), Rapport sur l'état de l'Union européenne 2002, Fayard et Presses de Sciences Po, Paris, 2002.

FLANDREAU M., LECACHEUX J. et ZUMER F., "Stability without a Pact ? Lessons from the European Gold Standard, 1880-1914", Economic Policy, n° 28, 1998.


Notes

[1] Les nombreuses crises financières récentes (Argentine, Brésil, Turquie, mais aussi Vivendi Universal ou France Télécom) illustrent ce constat. Historiquement, la faiblesse des mécanismes de discipline financière imposés par les marchés est également flagrante, comme le montrent Flandreau, LeCacheux et Zumer [1998].

[2] Ceci n'équivalant pas à imposer un plafond rigide, tels que le chiffre de 60 % du PIB issu des "critères de Maastricht", mais abandonné depuis la création de l'euro à cause de l'entrée de pays dépassant largement cette limite (Italie, Belgique, Grèce).

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