Politiques environnementales : les leçons de la théorie économique
A l'occasion de la sortie du numéro spécial de la Revue du CEPII, International Economics/Economie Internationale, intitulé "Public Environmental Policies : Some Insights from Economic Theory", une journée a été organisée au Ministère de Développement Durable le 12 janvier 2011, par Alain Ayong Le Kama (EQUIPPE/Université de Lille 1) et Valérie Mignon (CEPII et EconomiX, co-rédacteur en chef d'International Economics), afin de présenter les articles de ce numéro.
La revue International Economics est dirigée par par l'économiste Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CEPII. Elle publie des travaux d'économie internationale appliquée, dans les domaines de l'analyse macro-économique (comparaison internationale), la monnaie et la finance, le commerce international, l'intégration européenne, la transition, ainsi que des études spécifiques sur l'économie de pays ou de régions du monde.
Le programme de la journée "Environmental policy : Lessons from economic theory" (12/01/2011)
La réunion du 12 janvier à Paris était organisée conjointement par :
- Le service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable (SEEIDD) du Conseil Général du Développement Durable (CGDD/Ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement);
- La chaire Lhoist Berghmans en économie de l'environnement au CORE, Université catholique de Louvain (Belgique);
- Le laboratoire d'économie quantitative, intégration, politiques publiques et économétrie (EQUIPPE) de l'Université de Lille 1;
- Le Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII), Revue International Economics.
Programme :
9h15 - Ouverture de la journée par Françoise Maurel, chef de service SEEID/CGDD/MEEDDM
Première Session
Session animée par Alain Ayong Le Kama, professeur des Universités (EQUIPPE, Université de Lille 1), éditeur associé de ce numéro spécial
9h30 - Laure Cabantous, Olivier Chanel et Jean-Christophe Vergnaud, "Transport, Health and Climate Change: Deciding on the Optimal Policy?"
Discutant : Jean-Jacques Becker
10h30 - Julien Chevallier, Pierre-André Jouvet, Philippe Michel et Gilles Rotillon, "Economic Consequences of Permits Allocation Rules"
Discutant : Daniel Delalande
11h45 - Jérôme Ballet, Kouamékan J-M. Koffi et K. Boniface Komena, "Co-Management of Natural Resources in Developping Countries : The importance of Context"
Discutant : Gilles Kleitz
Seconde Session
Session animée par Thierry Bréchet, professeur des Universités (chaire Lhoist Berghmans au CORE, Université catholique de Louvain), éditeur associé de ce numéro spécial
14h30 - Jean De Beir et Guillaume Girmens, "Alcoa re-Revisited : Recycling, Market Power and Environmental Policy?"
Discutant : Doris Nicklaus
15h30 - Mireille Chiroleu-Assouline et Mouez Fodha, "Double Dividend and Distribution of Welfare : Advanced Results and Empirical Considerations"
Discutant : Vincent Marcus
16h45 - Olivier Petit et Patrick Schembri, "Clean Technology Transferts and North-South Technological Gap: An important Issue for Environmental Policies"
Discutant : TBA
17h45 - Clôture de la journée par Valérie Mignon (CEPII) éditrice du numéro spécial
Présentation du numéro spécial d'International Economics "Public Environmental Policies: Some Insights from Economic Theory"
"Public Environmental Policies : Some Insights from Economic Theory"
Dans son célèbre article "Comment le patient a suivi les conseils du docteur" (Journal of Economic Perspectives, 1989), Robert W. Hahn montrait que les politiques environnementales n'ont guère suivi les prescriptions fournies par la science économique. Il précise que l'un des dangers du théoricien dans sa «tour d'ivoire», c'est d'oublier les problèmes tels qu'ils se posent dans la vie réelle.
Depuis cet article, les choses ont changé, et ce pour deux raisons. Premièrement, les théoriciens s'intéressent davantage aux questions environnementales, et donc, par conséquent, aux impacts des politiques économiques sur l'environnement. Deuxièmement, l'analyse théorique des questions environnementales a fait d'énormes progrès depuis une vingtaine d'années.
Néanmoins, il reste vrai que la valorisation de ces avancées au-delà du cercle des initiés est largement imparfaite. Alors que les questions environnementales sont sur le devant de la scène politique et médiatique, force est de reconnaître que les contributions de la science économique à l'analyse de celles-ci restent méconnues, souvent incomprises et, par conséquent, sous-utilisées (voire, mal utilisées).
L'objet de ce numéro spécial de économie Internationale / International Economics est de contribuer à mieux faire connaître les avancées récentes de l'analyse théorique des questions environnementales et de leur utilité pour l'éclairage de la décision publique, afin de favoriser la mise en oeuvre de politiques économiques respectueuses de l'environnement.
Consulter le sommaire détaillé du numéro.
Les articles du numéro
- Télécharger l'introduction du numéro par Alain Ayong-Le-Kama et Thierry Bréchet (pdf, en anglais).
- Télécharger une version française de l'article de Julien Chevallier, Pierre-André Jouvet, Philippe Michel et Gilles Rotillon "Economic Consequences of Permits Allocation Rules" : "Les effets d'un marché de permis négociables dans un cadre d'équilibre" (pdf, 23 p.). A noter : Les tableaux et graphiques figurent en annexe du document.
Résumé : Cet article analyse les conséquences économiques des règles d'allocation des permis à polluer. En raison d'un lobbying politique intense, l'attribution gratuite des permis aux utilisateurs actuels, relativement à un benchmark donné ("grandfathering") est la meilleure solution pour aboutir à un accord. Cet article pèse le pour et le contre d'autres règles d'allocation, telles que le calcul des émissions par tête, ou selon le PIB par tête, la responsabilité historique ou encore la taille de la population. La principale conclusion est que la méthode d'allocation gratuite la plus efficace consiste à distribuer des permis selon les quantités de travail efficace, mais qu'une solution plus équitable est de distribuer des permis à chaque facteur de production selon sa part dans la production.
Résumés des autres articles du numéro
- "Transport, health and climate change: Deciding on the optimal policy", par Laure Cabantous, Olivier Chanel et Jean-Christophe Vergnaud
Résumé : Les transports génèrent de nombreuses externalités, dont celles liées à la pollution atmosphérique. Cet article analyse deux d'entre elles, les gaz à effet de serre et la pollution locale, qui, en général, sont étudiées séparément dans les travaux sur les politiques optimales de transport. Ici, ces externalités sont analysées conjointement grâce à un modèle de prise de décision séquentielle. Celui-ci permet de tenir compte de l'irréversibilité des politiques menées ainsi que de la possibilité d'une diminution progressive des incertitudes grâce à l'arrivée d'informations supplémentaires. Nous trouvons que des mesures structurelles qui permettent de limiter le recours aux transports privés sont économiquement plus avantageuses que des dispositifs techniques qui réduisent les émissions de substances polluantes. L'utilité de cette analyse conjointe des externalités est illustrée à travers deux cas: les dispositifs fiscaux qui grèvent l'automobile et la politique du logement.
- "Alcoa re-revisited: Recycling, market power and environmental policy", par Jean De Beir et Guillaume Girmens
Résumé : Cet article introduit une composante environnementale dans l'étude des marchés où des producteurs de produits primaires sont en position dominante par rapport aux acteurs du secteur du recyclage. Dans le modèle utilisé, la production de produit primaire par une firme monopolistique est polluante, contrairement à celle du bien recyclé. Taxer la firme monopolistique réduit la pollution au prix d'une diminution de la quantité totale de bien produite. L'effet d'une aide financière au recyclage est fonction des pentes respectives des courbes de demande et d'offre de l'entreprise de recyclage. Si le résultat est ambigu en termes de bien-être, il est toujours positif pour le recyclage.
- "Co-management of natural resources in developing countries: The importance of context", par Jérôme Ballet, Kouamékan J.-M. Koffi, et K. Boniface Komena
Résumé : Cet article analyse, à l'aune de vingt années, la mise en œuvre de la gestion participative dans les pays en développement. Dans un contexte de tensions entre une inertie des pays en développement et une pression exercée par les institutions internationales, le modèle dominant d'interaction entre l'Etat et les communautés locales est la recherche de rente. Ce modèle dominant ne permet pas aux projets participatifs de se développer dans des conditions optimales, ce qui affecte leur mode de fonctionnement et leur efficience en matière de conservation des ressources naturelles. Dans ces conditions, il apparaît avant tout essentiel de réviser le mode de partenariat entre les bailleurs de fonds et les pays en développement, qui reste fortement marqué par un haut degré de centralisme.
- "Double dividend and distribution of welfare: Advanced results and empirical considerations", par Mireille Chiroleu-Assouline et Mouez Fodha
Résumé : Cet article analyse les conséquences en termes d'efficacité et d'équité de l'application d'une taxe environnementale. à partir des résultats présentés dans la littérature, nous montrons que des conditions précises doivent être remplies pour parvenir à accroître la qualité environnementale, l'efficacité économique et à améliorer l'équité intergénérationnelle. De telles conditions théoriques ont-elles une chance d'être réunies ? De quelles marges de manœuvre dispose-t-on pour réformer la fiscalité environnementale dans les pays européens ? En utilisant des données européennes, nous montrons que la Belgique, la France et de manière inattendue, la Suède, sont les trois pays européens pour lesquels la taxe verte est la plus faible ; ces pays offrent ainsi le plus de facilités pour recourir à l'impôt environnemental et alléger par là même la fiscalité sur le travail.
- "Clean technology transfers and North-South technological gap: An important issue for environmental policies", par Patrick Schembri et Olivier Petit
Résumé : Nous présentons un modèle de taxation environnementale instaurée entre deux pays asymétriques, le Nord et le Sud. Il montre i) l'existence d'un gap technologique entre le Nord et le Sud dû à une capacité d'absorption imparfaite par le Sud ; ii) la capacité d'absorption qui reflète le taux d'innovation dans les technologies propres du Sud ; iii) que ce gap technologique explique pourquoi le Sud pollue plus que le Nord dans un contexte non coopératif où les taux d'imposition environnementale conditionnent la localisation des entreprises ; iv) que seul un transfert financier du Nord vers le Sud peut permettre la coopération. Celui-ci mesure le coût de la stratégie "gagnant-gagnant".
Quelques ressources complémentaires sur les politiques environnementales
- Roger Guesnerie "Pour une politique climatique globale. Blocage et ouvertures" (Ed. ENS Rue d'Ulm, collection du CEPREMAP, Opuscule n°20)
- Conférences des Journées de l'économie :
"La gouvernance environnementale" (vidéo, 11/11/2010)
"Sommet de Copenhague, quand l'économie a besoin du politique... et réciproquement" (vidéo, 14/11/2009)
"Le marché peut-il lutter contre le changement climatique ?" (13/11/2009)
"Après le Grenelle de l'environnement" (22/11/2008)
- Statistiques environnementales de l’OCDE : "OECD Factbook 2010: Economic, Environmental and Social Statistics". Version en français : Panorama des statistiques de l'OCDE