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Politiques éducatives compensatoires : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et pourquoi

Publié le 08/05/2023
Auteur(s) - Autrice(s) : Manon Garrouste
Dans cette conférence organisée par l’association Les Amis de Thorstein Veblen et l’APSES Lyon, Manon Garrouste, spécialiste de l'économie de l'éducation, présente les objectifs, moyens et résultats des dispositifs de l'éducation prioritaire en France, en explicitant les difficultés et les méthodes de l'évaluation de ces politiques.

Présentation

Intervenante

Manon Garrouste est maîtresse de conférence en économie à l'Université de Lille et chercheuse au LEM-CNRS, spécialiste de l'évaluation des politiques publiques, de l'économie de l'éducation et de l'économie urbaine. Son habilitation à diriger des recherches porte sur l'influence de l'environnement social local sur les décisions d'éducation. 

Résumé

Les enquêtes PISA montrent que la France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE en termes de performances des élèves, mais est l'un des pays où le lien entre le statut socio-économique des élèves et leurs performances et ambitions scolaires est le plus élevé.

Les dispositifs compensatoires ont pour objectif de compenser les inégalités de réussite en donnant plus de moyens à des établissements identifiés comme défavorisés académiquement, économiquement et socialement. Lors de leur création en 1982, les Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP) sont pensées comme un dispositif transitoire, bénéficiant alors à 10 % des collégiens. La mesure sera finalement étendue et structurée sur deux niveaux (aujourd'hui les REP et REP+). En 2022, elle concerne 1,7 millions d’élèves, 20 % des écoliers et 21 % des collégiens. Le budget de l'éducation prioritaire a été estimé à 1,7 milliards d'euros par la Cour des comptes en 2017 (soit 1000 euros de surcoût par élève en moyenne) ; il est donc important et sert essentiellement à financer de l'encadrement supplémentaire.

D'un point de vue méthodologique, l'évaluation des effets de l'éducation prioritaire est difficile. En effet, les établissements ciblés sont, par définition, désavantagés socialement et académiquement. Il est très difficile d'éliminer ce biais de sélection pour identifier l'effet propre du dispositif : il faut trouver une manière de comparer des populations ou établissements scolaires comparables. Les régressions sur discontinuités sont alors une méthode possible, puisqu'elles consistent à comparer des établissements situés juste au-dessus et juste en-dessous du seuil d'éligibilité au dispositif.

Depuis les années 1990, les évaluations montrent que les résultats de l'éducation prioritaire ont été faibles, voire inexistants. Cela s'explique notamment par le saupoudrage des moyens, insuffisants au regard des désavantages initiaux. La réduction de la taille des classes au collège est en effet assez modeste. Cette explication doit toutefois être complétée par un autre argument majeur, lié aux effets de stigmatisation du label « éducation prioritaire ». Ces effets créent une plus grande mobilité des enseignants ainsi qu'un évitement de la part des familles les plus favorisés socialement et informationnellement.

Toutefois, des mesures récentes ont montré des résultats encourageants. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 des écoles classées REP semble avoir permis une augmentation sensible des performances des élèves. Du côté des enseignants, augmenter significativement les incitations financières a aussi un effet : la hausse, entre 2017 et 2019, des primes liées à l'exercice en REP + a conduit à une progression marquée des demandes d'affectation en REP+.

Ainsi, les politiques éducatives compensatoires françaises semblent seulement suffire à contrebalancer les effets de conditions académiques et sociales très défavorables dans les établissements concernés, et produisent des effets de stigmatisation qui conduisent les enseignants et les familles favorisées à les éviter. Ces résultats décevants ne sont cependant pas une fatalité, puisqu'ils peuvent être modifiés par la mise en œuvre de mesures (et de moyens) permettant de rendre ces établissements suffisamment attractifs.

La conférence de Manon Garrouste

Conférence organisée en visioconférence par l'Association des Amis de Thorstein Veblen et l'APSES Lyon, enregistrée le 12 janvier 2023.

politiques_éducatives_compensatoires_conférence

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Introduction 00:00:00
L'évolution des politiques d'éducation prioritaire 00:02:09
Les moyens mis en œuvre dans les zones d'éducation prioritaire 00:04:55
Les résultats mitigés de l'éducation prioritaire 00:08:44
Biais de sélection et difficultés méthodologiques de l'évaluation 00:10:01
Les différentes méthodes possibles pour évaluer l'effet de ces dispositifs 00:14:49
Comment expliquer ce qui ne fonctionne pas dans l'éducation prioritaire ? 00:21:45
Quels sont les dispositifs qui fonctionnent ? 00:28:33
Conclusion 00:33:28

Télécharger le diaporama de présentation de Manon Garrouste.

Les questions du public

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Ce dispositif a-t-il vocation à être étendu ? 00:00:04
Quels sont les effets de la mixité sociale et scolaire ? 00:01:15
Quels enseignants pour les élèves des établissements relevant de l’éducation prioritaire et quelles incitations mettre en œuvre ? 00:04:24
Retour sur les écarts d’orientation à l’issue de la classe de de 3ème 00:07:12
L’articulation des responsabilités entre niveaux local et national 00:09:32
Quel avenir pour le dédoublement des classes ? 00:13:32
Comment tenir compte de l’évitement vers le privé ? 00:15:19
Comment évaluer les bénéfices des réformes éducatives ? 00:18:44
Le rôle du soutien scolaire 00:21:06
Quelle compatibilité entre mixités sociale et scolaire ? 00:23:18
Pourquoi le Parti communiste était-il historiquement opposé à l’éducation prioritaire ? 00:25:50

Pour aller plus loin

Bouguen A., Grenet J., Gurgand M. (2017), « La taille des classes influence-t-elle la réussite scolaire ? », Note IPP n° 28, septembre.

Caille J-P., Davezies L., Garrouste M. (2016), « Les résultats scolaires des collégiens bénéficient-ils des réseaux ambition réussite ? Une analyse par régression sur discontinuité », Revue économique, Vol. 67, n° 3.

CNESCO (2015), « Dossier de synthèse. Mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle à l’école. Chiffres clés et analyse scientifique ».

Charbonnier E, Garrouste M., Lachaux J-P., Villeval M-C (2022), « Mieux former les jeunes enfants », Jecos, novembre.

Charbonnier E., Grenet J., Mazeron C., Pelletier M., Ringard J-C., Terrier C. (2022), « Équité scolaire, un idéal lointain ? », Jecos, novembre.

DEPP (2021), « Evaluation de l'impact de la réduction de la taille des classes de CP et de CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants », Document de travail n° 2021 E04, septembre.

DEPP (2022), « L'éducation prioritaire », Document de travail n° 2022 S02, juin.

Fack G., Grenet J. (2014), « Peut-on accroître la mixité sociale et scolaire dans le système éducatif ? », Note IPP n° 11, juillet.

Grenet J., Souidi Y. (2021), « Renforcer la mixité sociale au collège : une évaluation des secteurs multi-collèges à Paris », Rapport IPP n° 31, février.

Ly S-T., Maurin E., Riegert A. (2014), « La constitution des classes nuit-elle à la mixité sociale et scolaire ? », Note IPP n° 13, octobre.

Mettetal B. (2020), « Massification et démocratisation de l'accès à l'école et à l'enseignement supérieur », SES-ENS, septembre 2020.

Rocher T. (2016), « Construction d'un indice de position sociale des élèves », DEPP, Éducation & Formation n° 90, chap. 1, avril.

Souidi Y. (2022), « School Assignment Policies, School Segregation, and Student Skills - Evidence from the French School System », Thèse de doctorat, Paris, EHESS, soutenue le 7 décembre.

Van Zanten A. (2009), « Agnès Van Zanten et les stratégies des acteurs du système éducatif », SES-ENS, juin.

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