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Une analyse de la politique européenne de la concurrence (II) : Une politique européenne de la concurrence pour quoi faire ?

Publié le 17/02/2025
Auteur(s) - Autrice(s) : Damien Broussolle
La politique européenne de la concurrence fait l'objet de nombreux débats sur ses objectifs et son champ d'application. Cet article revient sur plusieurs enjeux actuels de cette politique : favorise-t-elle l'efficacité économique et le bien-être du consommateur ? est-elle un obstacle à des politiques industrielles nationales ambitieuses ? L'auteur s'interroge alors sur le bien-fondé d'une réforme de la politique de la concurrence au niveau de l'Union européenne.

Damien Broussolle [1] est maître de conférences émérite en économie, HDR, membre du Laboratoire de Recherche en Gestion et Economie (LaRGE, UR 2364).

Avant-propos

Ce texte est le deuxième volet (actualisé) d'une contribution consacrée à la politique de la concurrence de l'Union Européenne. Le premier volet de cet ensemble (« La politique de la concurrence européenne : Du Traité de Rome au marché unique », Broussolle 2021a) propose une présentation synthétique du rôle fondamental que la politique de la concurrence a pris dans l'Union Européenne, ainsi que de ses grandes évolutions depuis le traité de Rome jusqu'au traité de Lisbonne. Ce deuxième article, dont une première version avait été publiée le 15 octobre 2021 sur le site SES-ENS, est consacré à une mise en perspective de plusieurs enjeux actuels de cette politique, dont la fonction se trouve souvent mise en cause notamment en France. Bien que chacun de ces articles puisse être lu de manière indépendante, il est néanmoins conseillé de lire le premier texte préalablement à cette mise en perspective.

Introduction

Cet article illustre succinctement les interrogations actuelles sur la politique de la concurrence européenne, qui au fond portent essentiellement sur son objet. En effet, puisque la concurrence est un instrument, il convient de lui fixer des fins et de les expliciter (CCE 2020). Il s'agit traditionnellement d'améliorer le bien-être des consommateurs. Ce texte s'interroge alors en premier lieu sur le but d'efficacité économique qui en est la déclinaison principale. Il s'agit d'en souligner la complexité derrière des apparences de simplicité. L'amélioration du bien-être passe par la croissance et la compétitivité, que les politiques de la concurrence et industrielle visent toutes deux. Le texte étudie donc ensuite leurs relations dans le cadre européen. La concurrence n'aurait-elle pas tendance à contrarier la politique industrielle ? Compte tenu des interrogations constatées et du nouveau contexte international, ces deux premières étapes débouchent sur une présentation succincte du débat sur une réforme de la politique européenne de la concurrence et de ses dernières évolutions.

1. Promouvoir la concurrence pour promouvoir l'efficacité et le bien-être du consommateur ?

La concurrence favorise l'efficacité économique pour améliorer le bien-être du consommateur et, depuis le traité de Maastricht, elle est de fait devenue une référence incontournable des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE [2]) (Graphique 1). Du point de vue de la réflexion économique, elle peut néanmoins se décliner en deux composantes : d'une part l'efficacité allocative et d'autre part l'efficacité productive.

1.1 Efficacités allocative et productive

L'efficacité allocative s'intéresse à la répartition (allocation) des richesses produites, suivant les coûts de production, les revenus et les préférences. Elle vérifie que les prix sont conformes aux coûts marginaux. Du point de vue de l'analyse économique standard, cela signifie aussi que l'opération de distribution réalisée par la concurrence satisfait aux conditions de l'optimum de Pareto. Cette forme d'efficacité est souvent traduite par l'affirmation que la concurrence fait baisser les prix (Philippon, 2019), une expression dont la validité, sans être erronée, est moins générale que l'affirmation selon laquelle la concurrence rapproche les prix des coûts. Il existe en effet certaines configurations où l'introduction de concurrence peut conduire à une augmentation de prix (cf. Broussolle 2021a).

Graphique 1 : La montée des références à l'efficacité économique dans les arrêts de la CJCE entre 1960 et 2010

Note :
- La ligne rouge représente la récurrence du terme « efficiency » dans les jugements de la Cour, en noir figure la droite de régression correspondante ;
- La ligne verte représente la présence du terme dans les opinions des Avocats Généraux ;
- La ligne bleue représente le nombre de jugements rendus par la Cour.

L'efficacité productive fait quant à elle référence à l'efficacité du processus de production qui, d'une manière générale, améliore le niveau de la productivité et favorise la croissance économique. Elle s'appuie sur les économies d'échelle, mais aussi sur l'innovation sous ses différentes dimensions, dont l'amélioration de la qualité.

Les deux types d'efficacité ont des effets convergents et sont bénéfiques aux agents économiques. Toutefois, des décalages chronologiques peuvent les mettre en opposition temporaire, produisant alors un dilemme que le contrôle des concentrations met tout particulièrement en valeur.

1.2 Concurrences effective et efficace

Le développement économique conduit à la concentration, qui représente certes une entrave à la concurrence (hausse du pouvoir de marché des entreprises), mais favorise également en principe l'efficacité productive.

Il y a donc un dilemme a priori entre l'acceptation de pertes statiques (immédiates) de concurrence et des gains d'efficacité dynamiques (futurs), obtenus par les innovations et économies d'échelle attendues. Les premières pourraient éventuellement dépasser les secondes [3]. En théorie, seul un bilan économique global au cas par cas permettra de savoir s'il faut privilégier ou non la préservation de la concurrence immédiate au détriment de la concentration (Encaoua, Guesnerie 2006). Dans la pratique, un relatif consensus parmi les économistes considère que « les gains d'efficacité dynamique [long terme] sont probablement beaucoup plus bénéfiques aux consommateurs que ne le sont les gains d'efficacité statique [court terme] » (OCDE 2007). La raison la plus évidente en est que les gains dynamiques se déploient sur une période nettement plus longue. Cela conduit à accepter plus facilement un certain type d'entorses à la concurrence. Ce point de vue n'a cependant pas toujours été partagé par les juristes et fonctionnaires en charge des décisions concrètes, en témoigne l'insistance traditionnelle de la Commission sur la nécessaire préservation de la « concurrence effective ».

S'il est souhaitable de préserver un certain degré de concurrence, les travaux de l'économie industrielle n'offrent pas de réponse univoque et systématique à la question du niveau qu'il convient de préserver. Sur ce point existe un différend entre analyse structurelle et comportementale de la concurrence.

La première met l'accent sur la structure des marchés (nombre d'entreprises, degré de concentration, mesuré par l'indice de Herfindahl-Hirschman), qu'il s'agira de maintenir à un niveau modéré de concentration : « la Commission considère que des parts de marché modestes sont généralement un bon indicateur de l'absence d'un fort pouvoir de marché. Elle sait d'expérience que, si la part de marché de l'entreprise représente moins de 40 % du marché en cause, il est peu probable qu'elle s'y trouve en position dominante. » (COM 2009, p. 9). La deuxième s'intéresse surtout au comportement des entreprises. Elle souligne que l'on peut aussi bien trouver des oligopoles en situation de collusion que de concurrence. La théorie des « marchés contestables » (Baumol et al., 1982) montre même que sous certaines conditions assez restrictives (libre entrée, sortie sans coûts irrécupérables), un monopole peut se comporter comme s'il se trouvait en situation de concurrence. Un consensus moderne considère alors que, plutôt que de chercher à atteindre une concurrence effective, c'est-à-dire préserver un certain type de structure de marché, il suffit de préserver une certaine dose de rivalité qui rend les marchés fluides (notion de « concurrence efficace », Riem, 2008). La démarche de la concurrence efficace peut éviter aux entreprises les guerres de prix, ruineuses pour les capacités d'investissement et d'innovation, ou encore la guérilla permanente, tout en laissant la porte ouverte à l'entrée de concurrents en cas de comportements rentiers. Il s'agira alors essentiellement de préserver la libre entrée et la mobilité des facteurs.

En somme, l'intensité de la concurrence doit être modulée selon les contextes (Encaoua, Guesnerie, 2006). Bouis et Klein (2008) ont ainsi pu montrer, à partir d'une étude empirique portant sur onze pays de l'OCDE, que si un surcroît de concurrence améliore la productivité du travail dans les secteurs faiblement concurrentiels, elle peut la détériorer dans ceux où son intensité est déjà forte.

1.3 La limitation de la concurrence pour plus d'efficacité

Il faut également rappeler que la concurrence n'est pas le seul instrument qui favorise l'innovation, la croissance, et le bien-être des consommateurs.

Du fait des particularités de la connaissance, l'utilisation d'instruments de nature anti-concurrentielle, comme le brevet, peut être souhaitable. Dans la lignée des réflexions de Schumpeter, Aghion et Griffith (2005) soulignent ainsi que si le monopole peut être le résultat de l'innovation, sous certaines conditions il peut même en être le garant. Le recours à la réglementation peut alors s'avérer plus efficace que la concurrence pour favoriser l'innovation (Amable et al., 2011).

De manière similaire, il faut signaler que les marchés concurrentiels sont sujets à des défaillances : asymétries d'information, myopie, instabilité, sur-réaction… qui justifient leur régulation, autrement dit qui légitiment une limitation du cadre dans lequel joue la concurrence. Dans le cas de coûts fixes très élevés, en particulier dans le domaine de la distribution (infrastructures), un monopole dit « naturel » est ainsi plus efficace que la situation de concurrence. Dans de nombreux secteurs et tout particulièrement ceux relevant du domaine des réseaux, des autorités de régulation sont donc chargées du contrôle des marchés (cf. Broussolle, 2021a). Rappelons par ailleurs que les ententes qui réservent une part équitable de leurs gains économiques aux consommateurs sont autorisées. Les accords et aides publiques portant sur la recherche dite précompétitive (préalable à la mise sur le marché) le sont également.

Dans la perspective de l'économie du Bien-Être (Welfare economics), qui englobe celle de l'optimum de Pareto, l'efficacité visée dépend des préférences des agents. En effet, comme le souligne la Cour des Comptes européenne (CCE 2020, p. 9), « il n'existe pas de définition universelle du bien-être des consommateurs ». Ces préférences peuvent intégrer toutes sortes de choix, de type éthiques (interdiction de l'esclavage), culturels (promotion de produits reflétant des traditions locales) ou sociaux (salaire minimum). L'efficacité visée est donc du domaine de la rationalité instrumentale, c'est-à-dire concernant le meilleur usage de moyens rares permettant d'atteindre des fins qui ne sont pas définies a priori, mais dépendent de choix collectifs (fonction de bien-être social). Il revient alors à l'État de mettre en place le cadre juridico-économique dans lequel la concurrence se déroulera pour la rendre efficace (cf. Broussolle, 2021a). C'est ainsi que la lutte contre les externalités environnementales négatives, dont la valeur et l'étendue sont définies par les préférences collectives, donne lieu à une politique qui, qu'elle soit de type fiscal ou prenne la forme d'un marché des permis d'émission, contraint la concurrence spontanée. Le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF, Encadré 1), dont la mise en place a démarré fin 2023 pour compléter le Système d'Échange de Quotas d'Émission (SEQE) interne à l'UE, est un exemple de ce type d'intervention limitative de la concurrence (internationale) pour la rendre plus efficace collectivement (Broussolle, 2021b).

Encadré 1 : Le Mécanisme d’Ajustement aux Frontières et son déploiement (MACF)

2. La politique industrielle face à la concurrence et à la désindustrialisation

La politique industrielle a souvent été considérée en France comme permettant de s'affranchir des contraintes concurrentielles. À la différence du secteur agricole, le traité de Rome ne faisait aucune place à une démarche en direction de l'industrie. Cette partie rappelle la conception volontariste de la politique industrielle, avant de présenter la doctrine en vigueur dans l'Union Européenne depuis le traité de Maastricht et, enfin, de souligner son évolution dans la pratique face à un contexte de plus en plus difficile.

2.1 La politique industrielle volontariste

La politique industrielle volontariste est une conception largement partagée en Europe jusque dans la fin des années 1970, même si elle est plus présente en France (colbertisme) où l'interpénétration administration-industrie est particulièrement forte. Elle traduit aussi un héritage des années 1930, avec la faillite du libéralisme manchestérien traditionnel du laisser-faire, laisser-passer (Rueff, 1958).

Elle consiste à définir des objectifs de puissance industrielle nationale, à fixer des orientations d'investissement ainsi que de R&D, et enfin à utiliser des moyens financiers ou juridiques de l'État pour atteindre ces objectifs. Elle considère que laisser le marché fonctionner spontanément n'est pas toujours souhaitable, car ce dernier rencontre des défaillances et insuffisances. Sont particulièrement mises en avant l'instabilité, la myopie des marchés et la nécessaire défense d'intérêts nationaux, tout particulièrement dans les secteurs stratégiques (patriotisme économique) ou porteurs de croissance pour l'avenir. Cela conduit souvent à défendre la nécessité de constituer des « champions » nationaux ou européens.

Des théories développées à partir des années 1980 (en économie internationale, économie industrielle, théories de la croissance de l'innovation) s'intéressent aux formes de la compétition économique. Elles soulignent une tendance à l'auto-entretien des avantages économiques du « first mover », ce qui peut justifier un interventionnisme, voire une forme de protectionnisme éducateur (cf. List ou l'ère Meiji), ou de politique commerciale stratégique (Krugman 1983). Dans cette perspective, pour éviter à un pays d'être captif d'un quasi-monopole, il peut être justifié de favoriser temporairement le développement d'un concurrent avec des moyens publics (cas Boeing-Airbus).

Selon la théorie évolutionniste en économie (Nelson et Winter, 1982), les choix économiques contingents sélectionnent des trajectoires particulières de développement technologique (« path dependency »). Le fonctionnement spontané du marché peut alors déterminer des gagnants et des perdants de façon sensiblement arbitraire ou circonstancielle et éventuellement irréversible, ce qui ne correspond pas à la démarche du choix optimal. Ils notent en substance : « on ne choisit pas une technologie parce qu'elle est efficace, mais c'est parce qu'on l'a choisie qu'elle devient efficace » (Foray, 1989). Autrement dit, malgré un choix de départ qui n'est pas nécessairement fondé sur le critère du meilleur produit, celui-ci devient le plus efficace par sa production en grande quantité (économies d'échelle) et parce que la recherche améliore ses caractéristiques par la suite (exemple du choix de la norme vidéo entre VHS, Betamax et V2000). Cela revient à considérer que, contrairement à la théorie de la décision optimale (nécessairement unique), dans la pratique plusieurs choix sont ouverts. Celui qui s'impose est alors un résultat historico-accidentel. Dans ces conditions, une intervention publique peut faire pencher la balance en faveur d'une technologie et d'un chemin de croissance particuliers (cf. plus bas « plan d’action stratégique pour les batteries » et PIIEC). En outre, comme le soulignent Gomart et Jean (2023, p. 32) : « si une concurrence des subventions industrielles pour gagner des parts de marché aux dépens du partenaire est stérile et même contre-productive, cela ne justifie pas pour autant de laisser sans réponse les subventions du rival lorsque la coordination échoue ».

La politique industrielle volontariste s'est néanmoins progressivement étiolée. Le manque de ressources des États, les échecs commerciaux de plusieurs interventions (en France : informatique ou Concorde), le manque de volonté politique lié au tournant libéral des années 1980 et enfin le durcissement progressif du cadre européen (contrôle des concentrations et des aides publiques, cf. Broussolle 2021a), ont tour à tour contribué au reflux de la politique industrielle. Un certain renouveau est néanmoins constaté depuis les années 2000. Il passe par la constitution de fonds d'investissements souverains et de banques publiques spécialisées dans le soutien aux activités d'avenir (en France par exemple la Banque Publique d'Investissement (BPI), créée en 2012).

2.2 La doctrine de l'Union européenne

• Rappelons tout d'abord que la démarche « européenne » n'a pas toujours été frileuse face aux interventions économiques publiques. D'une part, la CECA s'inscrivait dans un cadre dirigiste, avec une Haute Autorité disposant de nombreux pouvoirs économiques contraignants (fixation des prix et des quantités, contrôle des importations…). Le traité de la CECA s'est toutefois éteint en 2002. D'autre part, le Traité de la CEE représente un compromis ambigu, avec un interventionnisme prononcé dans l'agriculture, tout en proclamant la libéralisation des échanges, mais aussi en envisageant l'harmonisation éventuelle de certaines conditions de travail. Quoiqu'il en soit, la politique industrielle ne figure pas dans la liste des politiques communautaires définie en 1958.

• La crise des années 1970 et l'objectif du Marché Unique changent la donne. Les chocs pétroliers et la montée de la concurrence asiatique font naître le souhait d'une intervention communautaire en direction de l'industrie, autre que défensive (plan Davignon de restructuration de la sidérurgie en 1977). Un débat entre deux orientations s'en suit, entre partisans d'une politique active sectorielle (de type surtout interventionniste) et tenants d'une politique horizontale ou d'environnement (de type essentiellement structurelle). La Commission en fait le bilan dans un document de mai 1982, intitulé « la stratégie industrielle de la CE ». La Communication Bangeman [4] (Commissaire à l'industrie) de 1990, intitulée « la politique industrielle dans un environnement ouvert et concurrentiel : lignes directrices pour une approche communautaire » (Encadré 2), clôt le débat et fixe la doctrine en adoptant une politique d'environnement économique, d'inspiration ordolibérale.

Le débat et sa conclusion sont résumés très directement par Martin Bangeman : « L'unanimité est loin d'être faite sur ce qu'il faut entendre par politique industrielle. La Commission pour sa part a élaboré une notion de politique industrielle axée sur l'économie de marché. En revanche, dans plusieurs États membres on entend tout le contraire (…) à savoir protectionnisme et subventionnite [sic] » (1992, p. 367).  « L'objectif même de la politique industrielle est de permettre à la concurrence de jouer. (…) Tout cela est absolument étranger à une politique industrielle interventionniste. (…) Il ne s'agit en aucun cas de fabriquer des champions européens à qui la politique industrielle confierait le soin de damer le pion aux Japonais ou aux Américains » (1992, p. 369).

Encadré 2 : « La politique industrielle dans un environnement ouvert et concurrentiel : lignes directrices pour une approche communautaire »

• Le traité de Maastricht (1992) confirme cette orientation. Si son article 3 intègre le renforcement de la compétitivité de l'industrie, et élève ainsi la politique industrielle au rang des politiques européennes, l'article 130 (173 TFUE), qui en détaille le contenu, la subordonne à la politique de concurrence : « Le présent titre [compétitivité industrielle] ne constitue pas une base pour l'introduction, par la Communauté, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ou comportant des dispositions fiscales ou relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés ». On peut constater qu'en même temps, les velléités d'harmonisation sociale du traité de Rome se trouvent condamnées. Ces restrictions, qui étaient pourtant suffisamment claires et définitives, ont même été renforcées avec le Traité de Lisbonne. L'intervention étatique industrielle acceptable est alors celle que la politique de la concurrence permet, alors même que le contrôle des concentrations comme celui des aides d'État est durci. Il s'agit d'une intervention dite « d'environnement économique », soit pour l'essentiel de politiques destinées à favoriser « l'ajustement structurel » (Encadré 2) ou visant à libéraliser les marchés (cf. Broussolle, 2021a), et de politiques qui encouragent la recherche précompétitive.

L'adoption formelle d'une doctrine pouvait donner le sentiment que « la politique industrielle [communautaire] n'est plus objet de débat depuis que l'adoption formelle du terme permet de mener des politiques qui en ignorent le contenu » (Cohen et Lorenzi 2000, p. 39). Le débat s'est malgré tout poursuivi de façon larvée, sous la pression d'un environnement économique de plus en plus inquiétant.

2.3 La persistance du débat sur la politique sectorielle

Malgré le fondement « horizontal » de la politique industrielle, des initiatives « sectorielles » se sont imposées. À partir de l'élargissement de 2004, la Commission étend progressivement sa perspective : « la Commission soutient fermement la nature horizontale de la politique industrielle et s'engage à éviter de revenir à des politiques interventionnistes sélectives. Néanmoins, le champ d'application des instruments politiques ne se limite pas à des mesures horizontales très générales. Pour qu'une politique industrielle soit efficace, le contexte particulier des différents secteurs doit être pris en considération. Les politiques doivent être combinées en tenant compte des caractéristiques concrètes des secteurs et des opportunités particulières ainsi que des défis à relever » (COM 2005, p. 4).

Face aux conséquences de la crise de 2008 et à la désindustrialisation de l'UE, la Commission évoque en 2010, dans sa communication consacrée à la politique industrielle, une « base horizontale » et une « application sectorielle ». Des paquets de mesures institutionnelles et mobilisatrices sont alors lancés pour atteindre des trajectoires technologiques plus favorables à l'environnement, pour investir dans la R&D, pour anticiper les produits d'avenir (plan CARS 2020 dans le secteur de l'automobile, LeaderShIP 2020 dans la construction navale, etc.). Pour autant il ne s'agit pas de montrer la voie aux entreprises, mais de faciliter la coordination des initiatives et de jouer un rôle de catalyseur. Il faut noter que cette démarche est pleinement intégrée à celle des programmes cadres pour la recherche et le développement (PCRD), qui visent à fédérer et encourager la coopération dans le domaine de la recherche précompétitive. Finalement, la démarche sectorielle à orientation stratégique se trouve totalement reconnue dans la communication de 2017 intitulée « Investir dans une industrie intelligente, innovante et durable, une stratégie revisitée pour la politique industrielle de l'UE ». Dans cette perspective, la mise à jour 2021 de la politique industrielle identifie 14 « écosystèmes » industriels d'avenir. Le plan d'action stratégique sur les batteries adopté en mai 2018 [5], qui vise à créer en Europe un « écosystème » compétitif, durable et innovant dans le secteur des batteries, couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur, est l'aboutissement le plus récent de cette évolution.

Ce plan stratégique est à présent complété par un renforcement de la démarche du Projet Important d'Intérêt Européen Commun (PIIEC/IPCEI), cf. plus bas. C'est ainsi que la Commission Européenne a autorisé en 2021 un total de 2,9 milliards d'euros d'aide publique à douze États membres pour un deuxième projet paneuropéen de recherche et d'innovation portant sur les batteries.

La situation de l'industrie est devenue particulièrement préoccupante. De 1995 à 2012, sa part dans l'ensemble de l'économie a reculé, de 19,6 % à 15,3 %. Une communication de 2012 intitulée « Une industrie européenne plus forte au service de la croissance et de la relance économique » (COM 2012), lance alors une Stratégie Europe pour 2020, avec pour objectif de faire remonter la part de l'industrie dans le PIB à 20 %. Bien que la tendance à la baisse de l'emploi dans l'industrie ait été inversée, du fait de la crise du Covid-19 la part du secteur n’était toujours que de 15  % en 2021.

Malgré un environnement international marqué par la montée en puissance de la Chine et la mise en cause du multilatéralisme, dans une communication intitulée « Une nouvelle stratégie industrielle pour l'Europe » dédiée à la transition écologique et numérique, la Commission réaffirme toujours en 2020 les principes traditionnels. Elle écrit : « face à ces vents contraires, l'Europe ne peut pas ériger davantage d'obstacles, protéger les secteurs non compétitifs ou imiter les politiques protectionnistes ou susceptibles de fausser la concurrence adoptées par d'autres. Une industrie compétitive suppose une concurrence, tant en Europe que dans le reste du monde » (COM 2020, p. 3). Elle introduit cependant une certaine réserve en soulignant que des principes similaires de concurrence doivent être respectés partout, autrement dit pas seulement en Europe. Cela pose la question de l'articulation des politiques de concurrence et industrielle avec la politique commerciale (traités commerciaux), pour garantir des conditions de concurrence équitable (Jean et al. 2019).

C'est dans ce contexte qu'en 2020 plusieurs pays [6] ont demandé à la Commission d'évaluer la politique de la concurrence et de réfléchir à une réforme.

3. Une réforme de la politique de concurrence et de ses orientations ?

3.1 Plusieurs constats critiques viennent soutenir une demande de réforme de la politique de la concurrence

La concurrence mondiale a changé avec le retour des rapports de force et du bilatéralisme, mettant en avant une démarche de patriotisme économique. Sur ce plan, les conditions économiques ne sont pas égales entre les pays de l'UE, les États-Unis et la Chine. Le contrôle des concentrations serait plus sévère dans l'UE. Certains auteurs considèrent ainsi que le degré de concentration est devenu moins élevé dans l'UE qu'aux États-Unis (Philippon 2019, Hooper et Rabier 2018 ; cf. Broussolle 2021a, section 1.3). L'interdiction du rapprochement Siemens-Alstom en 2019 a pu sembler illustrer cet état de fait. Par ailleurs, le secteur des activités numériques, dominé par des entreprises américaines et chinoises, engendre de nouveaux types de problèmes (marchés bifaces et monopolistiques, cf. Panfili 2019), face auxquels la politique de la concurrence de l'UE serait démunie. L'émergence d'une offre européenne en serait contrariée. Enfin, le droit de la concurrence américain et surtout chinois n'a pas vocation à s'appliquer aux activités publiques.

S'en suivent des demandes de réorientation de la politique de la concurrence. Le marché pertinent (cf. Broussolle 2021a, section 1.1) étant devenu mondial, il conviendrait d'accepter un degré de concentration supérieur dans l'UE et de favoriser des champions européens (Chatillon et Henno 2020). La politique de concurrence de type constitutionnel, qui s'impose à la politique industrielle, serait de ce fait devenue un handicap (Deffains et al. 2020). L'intervention des États, trop soumise à la politique de concurrence, constituerait également une gêne excessive, par exemple dans le cas des aides d'État, mais aussi avec la prééminence de la Commission dans certains domaines techniques et stratégiques, comme celui de la distribution d'énergie.

3.2 Le bien-fondé d'une « réforme » de la politique de la concurrence peut néanmoins être discuté

Au-delà de cas particuliers qui mériteraient un examen spécifique, le procès général fait à la politique de la concurrence semble exagéré ou mal orienté. Il ne justifie pas une « réforme », qui passerait nécessairement par une renégociation des traités.

3.2.1. Une mise en cause excessive ou injustifiée.

Tout d'abord, le contrôle des concentrations n'a globalement pas défavorisé la compétitivité de l'industrie européenne (Hooper et Rabier 2018), il n'a pas vraiment été malthusien, les décisions d'interdiction de fusions de la Commission étant plutôt rares (Perrot et al. 2019) (cf. Broussolle 2021a, section 1.3). Le blocage de la fusion Alstom-Siemens s'est même révélé favorable à Alstom, qui a ensuite fusionné avec la multinationale canadienne Bombardier dans de meilleures conditions.

En outre, les règles de concurrence actuelles n'ont pas totalement empêché d'intervenir contre certaines pratiques abusives des GAFAM. Au total, la Commission a infligé plus de 8 milliards d'euros de pénalité à Google. Il est néanmoins exact que le moyen utilisé n'est pas juridiquement solide et que la Commission manque d'instruments d'intervention adaptés au secteur numérique. Pour autant, au-delà des instruments, c'est aussi la capacité à résister aux pressions américaines qui importe, donc la cohésion de l'UE (mise à mal par le comportement de cavalier seul de l'Irlande par exemple).

Dans le domaine des relations économiques internationales, les critiques tendent à confondre les domaines des politiques de concurrence et commerciale, qui il est vrai s'influencent réciproquement. Ce n'est pas tant un problème de marché pertinent qui est en cause que le cadre des traités déjà négociés et surtout l'inclusion de clauses de réciprocité dans l'accès aux marchés, voire leur mise en œuvre lorsqu'elles existent dans les accords [7] (Jean et al. 2019).

Enfin, la faiblesse de la politique de soutien à la R&D souvent mise en avant ne dépend pas de la politique de la concurrence. Il ne faut pas confondre ce qui relève des cadres communautaire et nationaux. 

3.2.2. Créer des « champions européens » ?

La politique industrielle exprime par essence l'interventionnisme économique des gouvernements, mais aussi des choix sociétaux. Selon les pays considérés, les mêmes choix sont décriés ou revendiqués. L'Europe n'est pas une nation. Malgré les exhortations en ce sens, elle ne pense pas en termes de puissance ou de souveraineté. C'est au mieux un « empire normatif » selon l'expression de Laïdi (2008). Ce qui ressemble à de la politique industrielle « à la française » appartient surtout au domaine intergouvernemental, donc relève d'accords directs entre pays. C'est le cas d'Airbus, issu d'une coopération entre quatre États (la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni) lancée à une époque où la doctrine de politique industrielle communautaire n'existait pas.

Dans le cadre juridique actuel, la fonction même de la Commission est de démanteler les champions nationaux, notamment dans le secteur des services publics en réseau (cf. Broussolle, 2021a). C'est la condition du développement du marché unique et de la concurrence européenne. C’est du reste le propos principal des deux rapports sur la compétitivité, publiés en 2024 (Letta 2024, Draghi 2024), qui tous deux insistent en premier lieu sur la nécessité d’approfondir le marché unique. Il s'agit ici d'un enjeu d'orientation majeur plus que de problèmes de mise en œuvre de la concurrence, un conflit doctrinal de traditions intellectuelles, qui ne peut pas être résolu par une éventuelle réforme technique de cette politique.

3.2.3. Réformer alors les traités et les règlements ?

Une réforme des traités est très probablement vouée à l'échec, il n'y a pas de véritable consensus sur sa nécessité et pas non plus d'accord sur l'orientation à suivre.

3.3 Pour autant des inflexions sont possibles

À la suite des communications « New Industrial Strategy » de mai 2021 (COM 2021a) et « Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis » de novembre 2021 (COM 2021b), la Commission a dévoilé ses nouveaux objectifs ainsi que le résultat de son réexamen des règles de concurrence. Ces communications ont conduit à des évolutions bienvenues qui restent néanmoins pour l'essentiel dans le cadre du paradigme traditionnel, et mériteraient pour cette raison d'être renforcées.

3.3.1 Des inflexions ont commencé à être mises en œuvre

• L'adoucissement du contrôle des aides d'État avait été temporairement rendu possible par les crises de 2008 et surtout du Covid-19. La revivification des Projets Importants d'Intérêt Européen Commun (PIIEC/IPCEI), autorise à présent des aides d’Etat dans des proportions nouvelles.

Il ne s'agit pas de programmes de financement communautaire, mais de subventions étatiques dérogatoires. Le mécanisme autorise les pouvoirs publics des États membres à financer des initiatives au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d'aides d'État. Les PIIEC sont encouragés comme outil d'intervention économique depuis la communication de 2020 relative à la politique industrielle (COM 2020). Cependant, les critères de compatibilité de ces aides d'État avec le marché unique ont été clarifiés en 2021 par la Commission (COM 2021c). Les subventions doivent viser à promouvoir l'innovation dans des domaines industriels stratégiques et d'avenir, au travers de projets européens transnationaux. Les PIIEC constituent un élément de politique industrielle plus active, qui reste toutefois essentiellement national ou inter-gouvernemental (Eisl 2022a et b). Les opérateurs économiques participants doivent démontrer qu'il s'agit d’un domaine où le marché seul ne permet pas l'apparition d'innovation de rupture et coopérer avec d'autres leaders européens dans le secteur concerné, afin de développer l'ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire européen. C'est en application de cette démarche que la Commission Européenne a autorisé en 2021 les aides publiques déjà mentionnées dans le domaine des batteries. Un second PIIEC de 8,1 milliards d'euros d'aides d'État a été approuvé en 2023 dans le secteur des semi-conducteurs.

Cette démarche accroît toutefois les inégalités entre pays (Eisl 2022a). Elle se heurte aussi à l'absence d'homogénéité économique et politique de l'UE. Ainsi onze « petits » États de l'UE ont adressé une lettre au Conseil européen en mars 2024 pour rappeler que l'interdiction des aides d'État était une condition de fonctionnement centrale d'un marché unique juste pour tous. Ils soulignent que, sur les 760 milliards d'euros d'aides exceptionnellement accordées de mars 2022 à décembre 2023, l'Allemagne en a reçu 47  %, la France 23  % et l'Italie 8 %. Le règlement sur les subventions étrangères (REG 2022a) en vigueur depuis la fin 2023 répond à des préoccupations voisines. Il contribuera à uniformiser les règles pour les entreprises qui reçoivent des subventions étatiques de l'extérieur de l'UE. La Commission a désormais le pouvoir d'enquêter sur ces aides, afin de s'assurer qu'elles ne créent pas de distorsions dans le marché unique.

• Dans le domaine de l'Économie numérique, les analyses et décisions des autorités de concurrence auraient gagné à être harmonisées en s'appuyant sur les travaux menés à l'OCDE. La supervision des acteurs « systémiques » pourrait même être assurée par un comité ad hoc commun à plusieurs Directions Générales (Chatillon et Henno 2020). C'est en s'inspirant de ces préoccupations qu'à partir de 2022 l'UE a mis en œuvre plusieurs mesures. En premier lieu, une législation sur les marchés numériques (règlement sur les marchés numériques, REG 2022b) est entrée en vigueur en 2024. Elle vise à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des oligopoles d'internet et à corriger les déséquilibres de pouvoir de marché numérique. Elle cible les entreprises qui sont des « contrôleurs d'accès » (gatekeepers) à l'entrée d'internet, qu'elles soient établies en Europe ou dans le reste du monde. Sept plates-formes numériques ont été désignées comme telles : Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook) Microsoft, Booking et le groupe chinois ByteDance, propriétaire de TikTok. Elles couvrent 22 services de plate-forme essentiels. Pour maintenir une concurrence loyale entre les acteurs du numérique, stimuler l'innovation, la croissance et la compétitivité sur le marché numérique, ces contrôleurs d'accés doivent respecter de nouvelles obligations :

- permettre aux tiers d'interagir avec leurs propres services et d'accéder aux données générées par leurs activités sur leur plate-forme ;

- autoriser les entreprises utilisatrices à promouvoir leur offre et à conclure des contrats avec leurs clients en dehors de leur plate-forme ;

- renforcer la liberté de choix des consommateurs européens.

Ces mesures ne s'étendent pas à la fiscalité, elles s'inscrivent entièrement dans le cadre de la politique de concurrence en s'inspirant de la démarche des « facilités essentielles ». Pour être qualifiée d'essentielle, une ressource possédée par une entreprise en monopole ou en position dominante doit être indispensable ou strictement nécessaire pour l'opérateur qui offre un produit ou un service sur le marché amont, aval ou complémentaire de celui que le détenteur de l'infrastructure domine. L'infrastructure doit également être impossible (ou du moins très difficile) à reproduire dans des conditions économiques raisonnables par des concurrents (seuls ou associés). L'entreprise qui détient une infrastructure essentielle peut être contrainte de permettre à ses concurrents d'accéder à cette ressource, éventuellement même à un tarif contrôlé, afin de protéger le jeu de la concurrence.

• Dans le domaine des concentrations, la Commission a révisé en 2024 la définition de marché pertinent, qui permet d'établir le cadre dans lequel s'applique la politique de la concurrence (COM 2024a). Elle joue un rôle décisif en matière d'abus de position dominante ou de contrôle des concentrations (où l'extension d'un marché détermine souvent le sort d'un dossier) et, dans une moindre mesure, d'ententes (où elle intervient dans le cadre d'exemptions de plein droit). La prise en compte de paramètres de concurrence autres que le prix gagne en importance. Ces paramètres sont, par exemple, le degré d'innovation, la fiabilité de l'approvisionnement ou encore la durabilité, ainsi que tout autre élément à même d'orienter les choix des clients.

- L'innovation sera ainsi mieux prise en compte dans l'analyse du marché pertinent. Par exemple, un produit dont le lancement sur le marché est imminent pourra être intégré à un marché pertinent de produits déjà existants. Dans le même état d'esprit, lorsqu'il n'existe pas encore de produits sur le marché, il pourra malgré tout être possible d'identifier un marché pertinent de la recherche-développement. Ainsi, en 2017 dans l'affaire Dow/Du Pont, la Commission avait identifié des « espaces d'innovation » dans le domaine des herbicides, insecticides et fongicides, sur lesquels les deux entreprises se faisaient concurrence en recherche. Elle s'est alors inquiétée qu'à l'issue de la fusion les deux entreprises ne réduisent leurs efforts d'innovation, toute concurrence ayant disparu.

- La définition a aussi été adaptée aux évolutions dans le secteur du numérique. Dans l'économie numérique, l'accès à des produits ou services non-payants est courant. Cette gratuité rend inopérants certains outils habituels de la politique de la concurrence. En l'absence de prix la Commission pourra calculer les parts de marché en prenant en compte d'autres paramètres, comme le nombre d'utilisateurs d'un site internet, le nombre de téléchargements… Le fait qu'un produit soit fourni à un prix monétaire nul n'impliquera donc plus qu'il n'y a pas de marché pour ce produit.

- La délimitation du marché géographique prendra mieux en compte les marchés mondiaux susceptibles de constituer une pression concurrentielle, ce que la méthodologie de 1997 ne permettait pas de faire.

3.3.2 Les mesures mises en œuvre sont certes bienvenues, mais elles restent limitées.

Pour l'essentiel, les mesures prises sont techniques. Il conviendrait de les renforcer à la fois dans les domaines interne et externe.

• Dans le domaine du marché unique il serait souhaitable de :

- Rénover les lignes directrices en privilégiant les engagements comportementaux plutôt que les critères structurels, surtout lorsque ceux-ci conduisent à vendre des actifs à des concurrents extérieurs à l'UE. Traditionnellement, lorsqu'une concentration est autorisée sous condition, l'entreprise dominante doit se séparer de sites de production au bénéfice de concurrents afin de limiter son niveau de dominance. Il s'agirait de substituer à cette condition de type structurel des engagements portant sur l'action future de l'entreprise concentrée : par exemple des engagements d'accès, ou d'interdiction de remises de gamme, ou encore de ventes liées (Vidal 2019).

- Porter une attention particulière aux « acquisitions prédatrices » de start-up, qui échappent du fait de leur faible taille au contrôle communautaire des concentrations mais restreignent la concurrence, notamment dans le domaine du numérique ou des biotechnologies (OCDE 2020). Cela demanderait seulement un règlement d'application.

- Renforcer le « filtrage » des investissements étrangers, afin de mieux protéger les intérêts stratégiques et industriels de l'Union Européenne. Un nouveau cadre européen est entré en vigueur en avril 2019. Il est pour l'instant non contraignant ; il s'agit uniquement d'un dispositif d'alerte standardisé (cf. plus bas).

• Dans le domaine du commerce international, de nouveaux instruments de défense commerciale et un contrôle antidumping ont été établis depuis juin 2018. Cependant, il ne faut pas en attendre de révolution puisque ces mesures ne concernaient pas plus de 0,31 % des importations totales dans l'UE en 2017.

La communication sur la politique industrielle de 2020 (COM 2020) insiste sur « le maintien d'une concurrence équitable à l'échelle mondiale ». Elle met particulièrement en avant deux points qui concernent surtout la Chine : « la proposition d'un instrument relatif aux marchés publics internationaux afin de remédier au manque de réciprocité et de permettre à l'UE de peser davantage dans les négociations », « le renforcement des contrôles douaniers afin de s'assurer que les produits importés respectent les normes de l'UE ».

Comme on peut le constater, la prise de conscience par les autorités d'une inflexion nécessaire de la politique de la concurrence est réelle. Il n'en reste pas moins que les intentions se heurtent souvent à l'hétérogénéité de l'UE. Ainsi, l'Allemagne est particulièrement dépendante de la Chine en termes de relations commerciales et a d'ailleurs voté contre les mesures antidumping décidées en 2024 dans le domaine automobile.

Une nouvelle approche pourrait-elle fournir un moyen de surmonter les réticences traditionnelles ?

3.4 La thématique de la sécurité économique, un levier pour des changements plus profonds ?

Comme le relèvent Gomart et Jean (2023), les politiques industrielles font désormais l'objet d'une concurrence stratégique renforcée sur le plan mondial, dont l'objectif est la maîtrise, voire même la domination des technologies sensibles. Les décisions en la matière ne relèvent donc plus d'une démarche strictement concurrentielle mais d'une stratégie de puissance. Cela confère une dimension sécuritaire nouvelle aux politiques commerciales et de concurrence, en contradiction avec les principes initiaux de ces politiques défendus par l'UE, et oblige cette dernière à se préoccuper à son tour de sécurité économique.

La Chine pose à cet égard un problème tout particulier. Une série d'études portant sur les années 2017-2019 estime que les politiques industrielles chinoises mobilisaient en moyenne 1,7 à 2 % du PIB (DiPippo et al. 2022, Chimits 2023). Même si les auteurs considèrent que ces chiffres sont sous-estimés, ils révèlent une forte disproportion par rapport aux montants mobilisés par ses concurrents, qui atteignent seulement 0,4 % pour les États-Unis et l’Allemagne et 0,55 % pour la France. S'ajoute à cela le fait que la Chine, du fait de sa taille et de son niveau technologique, devient dominante à la fois en termes de part de marché et de leadership technologique. En 2019, la Chine détenait plus de 50 % des parts de marché mondiales pour 600 produits (Jean et al. 2023). Paradoxalement, à cause du degré d'ouverture et d'interpénétration dû à la mondialisation, ces positions sont difficiles à remettre en cause : 72 % des produits dominés par la Chine en 2000 ou 2010 l'étaient encore en 2019. Ce résultat semble provenir de taux de marge bien supérieurs à ceux de ses concurrents occidentaux, obtenus grâce à son pouvoir de marché.

Dans sa Communication de mise à jour de la Politique Industrielle, la Commission s'intéresse aux enseignements de la crise du Covid (COM 2021a). Elle examine tout particulièrement les perturbations dans les chaînes de valeur mondiales qui relèvent de questions de dépendances stratégiques. Cette préoccupation a ensuite donné lieu en 2021 à la publication d'un document de travail cartographiant les dépendances et capacités stratégiques (SWD, 2021). On y apprend que sur les 5 200 produits importés dans l'Union, 137 (représentant 6 % de la valeur totale des importations de biens) appartiennent à des écosystèmes sensibles pour lesquels l'Union est fortement dépendante (industries à forte intensité énergétique, santé et produits importants pour les transitions écologique et numérique). Environ la moitié des importations de ces produits proviennent de Chine, puis viennent ensuite le Viêt Nam et le Brésil.

Face à ces constats de forte dépendance stratégique, la Commission tente un délicat compromis entre la logique de réduction des risques stratégiques et le maintien d'une économie ouverte. Ainsi, elle continue de défendre une démarche non interventionniste : « Dans la plupart des cas, l'industrie elle-même est la mieux placée – grâce à ses politiques et décisions d'entreprise – pour améliorer la résilience et réduire les dépendances susceptibles d'entraîner des vulnérabilités, notamment par la diversification des fournisseurs » (COM 2021a, p. 15). Pour autant, elle reconnaît qu'une action politique peut être nécessaire : « Il existe toutefois des situations où il n'est pas possible de faire appel à d'autres fournisseurs parce que la production ou l'approvisionnement sont concentrés dans une seule zone géographique » (COM 2021a p. 15). Elle constate en outre une judiciarisation croissante des relations économiques internationales, voire une utilisation du droit comme arme économique. Elle suggère alors soit de diversifier les chaînes d'approvisionnement internationales avec les alliés et partenaires de l'UE, soit de constituer des stocks, ou encore de soutenir des alliances industrielles dans des domaines stratégiques (matières premières, batteries et hydrogène). Ces modalités s'éloignent du strict respect de la concurrence de marché.

Dans cette perspective, la Commission a publié en juin 2023 un document de réflexion pour une stratégie de sécurité économique (JOIN 2023) qui aborde, en outre, les risques dérivés de la guerre en Ukraine (Maurice, 2022). Le document identifie quatre catégories de risques :

  • Ceux pour la résilience des chaînes d'approvisionnement, y compris énergétique;
  • Ceux pour la sécurité physique et pour la cybersécurité des infrastructures critiques;
  • Ceux liés à la sécurité et aux fuites de technologies;
  • Celui d'instrumentalisation des dépendances économiques ou de coercition économique.

Elle plaide pour définir une approche commune de recensement et d'évaluation des risques, mais aussi pour établir des principes et moyens communs d'action. Certaines mesures envisagées s'éloignent des anciens principes d'ouverture économique : ainsi la Commission envisage-t-elle, dans certains cas, d'interdire à des pays tiers de participer à des projets de déploiement de la haute technologie dans le domaine numérique (par exemple 5G), tout en affirmant vouloir éviter la fragmentation économique et le protectionnisme. Sur cette lancée, la Commission a adopté en janvier 2024 cinq initiatives pour renforcer la sécurité économique de l'Union européenne dans le contexte de tensions géopolitiques croissantes (COM 2024b). Elles proposent :

  • De mettre en place un meilleur filtrage des investissements étrangers dans l'UE;
  • De développer la coordination européenne dans le domaine du contrôle des exportations, « dans le plein respect des régimes multilatéraux existants et des prérogatives des États membres »;
  • De recenser les risques potentiels découlant des investissements sortants dans certains domaines technologiques;
  • De favoriser les discussions sur la manière de mieux soutenir la recherche et le développement dans le domaine des technologies à double usage potentiel;
  • D'examiner des mesures pour renforcer la sécurité de la recherche.

Ces initiatives de la Commission illustrent la prise de conscience des nouveaux problèmes géopolitiques et économiques mondiaux. Il s'agit cependant pour l'essentiel d'alerter les États membres et de tenter de les convaincre d'agir en commun. Les mesures concrètes restent à concevoir.

Conclusion : la faiblesse des politiques actives illustre l'hétérogénéité de l'UE

De nombreux observateurs souhaitent une politique européenne plus active. Ce souhait se heurte néanmoins à plusieurs difficultés.

Il faut d'abord rappeler que le terme « européen » est ambigu. Il peut aussi bien désigner un phénomène s'étendant à une aire géographique européenne aux limites indéfinies (cf. Conseil de l'Europe strasbourgeois), ou résultant d'une action de Bruxelles (communautaire), ou encore une combinaison d'actions de pays européens (intergouvernemental). L'aérien et l'espace, souvent mis en avant (à juste titre) comme des succès « européens » étaient à l'origine des projets typiquement intergouvernementaux, même s'ils ont par la suite été associés à l'UE.

Pour mener une politique communautaire plus active, il faudrait des ressources supplémentaires, mais le budget de l'UE est modeste. Même les programmes des Réseaux de Transports Européens prioritaires sont faiblement dotés. Par ailleurs, le Brexit a appauvri le budget communautaire en éloignant un contributeur net important. Les nouvelles ressources propres sont encore modestes (comme dans le cas de la taxe plastique [8]) ou potentielles (comme dans le cas du Mécanisme d'Ajustement Aux Frontières). Leur ambition reste de toute façon limitée.

Mais l'essentiel est que la politique volontariste reste fondamentalement liée à une forme de souveraineté (ou de patriotisme économique). Au-delà des querelles doctrinales, s'il n'y a pas de politique industrielle interventionniste intégrée dans l'UE, c'est surtout parce qu'elle reste composée de pays qui sont fondamentalement concurrents.

Les industries dites « européennes » restent essentiellement des industries nationales ; il n'y a pas vraiment d'industrie ou d'intérêt industriel « communautaire ». Le projet européen d'origine semble s'être dissout dans les élargissements et la mondialisation. La démarche de l'élargissement l'a emporté sur celle de l'approfondissement. L'UE ne cherche pas un développement propre et spécifique en tant qu'espace intégré. Par exemple, l'ouverture à la concurrence des monopoles publics n'est pas conçue pour favoriser l'émergence d'entreprises illustrant un esprit européen, telles qu'un service postal de l'UE. Du reste, cette ambition est probablement surtout propre à la France, alors que plusieurs pays européens craignent qu'elle ne soit le paravent d'un retour de la doctrine napoléonienne du système continental, une crainte renforcée par le Brexit.

L'horizon stratégique des Firmes Trans-Nationales à base géographique européenne dépasse celui de l'UE. Leur intérêt pour un espace européen spécifique est limité, comme en atteste l'échec de la norme européenne de TVHD dans les années 1990. Les regroupements d'entreprises ne privilégient pas particulièrement l'espace de l'UE, d'autant que la politique de la concurrence tend à les en dissuader.

L'horizon même de la Commission est ailleurs : « La raison d'être du marché unique a changé (…). Ce n'est plus les bénéfices que l'on peut attendre de l'intégration européenne, mais aussi le levier qu'il fournit pour faire face aux défis et opportunités de la mondialisation ». Le modèle juridico-économique vers lequel l'UE oriente les États membres construit un espace européen comprenant d'un côté une combinaison d'éléments relativement unifiés déterminant les règles concurrentielles et les cadres de marché, et, de l'autre côté, de grandes disparités sociales locales. S'appuyant sur l'intégration commerciale, il entraîne une certaine convergence, mais sans miser sur les politiques communes. Son mode opératoire consiste à organiser et approfondir toujours plus la concurrence entre les économies et à présent entre les réglementations. Son champ d’extension atteint la fiscalité (Laurent, 2004) ainsi que les services sociaux, et lorgne sur la santé. Son horizon dépasse même à présent la zone européenne, comme l'explique la Commission [9] (SEC 2007, p.4).

Finalement pour une bonne part, les insatisfactions rencontrées face à la politique de la concurrence ne relèvent pas principalement de cette politique, mais du fait que l'UE ne représente pas un ensemble économique aux intérêts homogènes, au même titre que les États-Unis ou la Chine. La coexistence d'intérêts nationaux souvent antagoniques a conduit à empêcher une politique volontariste au niveau communautaire qui serve les intérêts des activités européennes. La référence à l'ordolibéralisme ne vient finalement que couvrir d'un habillage doctrinal cet état de fait. Le plus souvent, confrontés à leurs intérêts économiques propres, les États ne réussissent à s'entendre que sur la mise en concurrence de leurs activités, en suivant alors le principe « que le meilleur gagne » tout en espérant pouvoir tirer leur épingle du jeu.

Pour autant, les signaux d'alarmes se multiplient. Le décrochage compétitif de l'Europe semble un constat partagé. Deux rapports publiés en 2024 tentent d'y répondre. Le rapport Letta (Letta, 2024), centré sur le marché unique, préconise essentiellement des recettes traditionnelles telles que l'élargissement de son périmètre dans les secteurs de la finance, de l'énergie et des communications électroniques. Le rapport Draghi (Draghi 2024), propose une nouvelle stratégie de compétitivité pour l'Europe qui repose elle aussi d'abord sur la mise en œuvre intégrale du marché unique, mais également sur : l'alignement des politiques industrielle, commerciale et de la concurrence ; l'augmentation du taux d'investissement total par rapport au PIB jusqu'à atteindre environ 5 % par an ; une réforme de la gouvernance de l'Union qui permettrait un renforcement de la coordination et la réduction de la charge réglementaire. Ce rapport souligne de fait que les problèmes constatés ne sont pas que techniques et économiques.

Le changement de contexte international pourra-t-il constituer un moyen de souder les États-membres dans une orientation commune, face à la Chine et éventuellement aux États-Unis ? On peut le souhaiter et certaines décisions s'orientent dans ce sens (surveillance des investissements extérieurs), mais en l'absence de véritable volonté commune, il y a de fortes chances que cela reste insuffisant.

Références bibliographiques

NB. Les références en gras sont celles qui sont les plus accessibles et utiles pour se faire une idée sur les thématiques abordées.

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Notes

[1] damien.broussolle@unistra.fr ; Institut d'Etudes Politiques, 7 rue de l'Ecarlate, 67082 Strasbourg Cedex France.

[2] Devenue Cour de justice de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009.

[3] Pour une présentation plus complète sur cette thématique, voir : Faut-il craindre la concentration ? Entretien avec Axelle Arquié et Julia Bertin, SES-ENS, février 2021.

[4] Martin Bangeman est un juriste, ancien président (1985-88) du parti libéral allemand.

[5] Voir l'annexe 2 de la communication de la Commission européenne « L'Europe en mouvement. Une mobilité durable pour l'Europe : sûre, connectée et propre » : Plan d'action stratégique sur les batteries (COM 2018, 293 final, 17 mai 2018).

[6] L'Allemagne, la France, l'Italie et la Pologne.

[7] La réciprocité est l'un des principes fondamentaux des négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. [Note SES-ENS]

[8] 4 % des recettes de l'UE en 2023. Il s''agit en réalité à proprement parler d'une nouvelle contribution des États.

[9] « The rationale of the single market has changed (…). It is no longer about the benefits to be expected from European integration but also about the leverage it provides to meet the challenges and opportunities of globalisation ».

Pour aller plus loin

Wibaux P. (2024), « Vers un retour du protectionnisme ? », SES-ENS.

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