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Quelques mots sur la gentrification par Yankel Fijalkow

Publié le 08/07/2008
A partir du n°63 de Sociétés contemporaines, Mars 2007.
Depuis le début des années 1990, un nouveau terme désigne les mutations des centres villes des métropoles mondiales. La gentrification (qui correspond, seulement en Français, à plus de 16.000 occurrences sur Google) fait figure de nouveauté et supplante dans la littérature scientifique et professionnelle le terme traditionnel d'embourgeoisement.Ce terme désigne les transformations subies par les quartiers anciens populaires par l'arrivée de nouveaux habitants appartenant aux couches moyennes et supérieures Le terme de gentrification nous a fait hésiter. Issu du monde anglosaxon, il désigne à la suite d'une étude de Ruth Glass (1963), l'installation de couches moyennes élevées dans le parc de logements anciens de quartiers populaires de Londres. « gentry » désigne une petite noblesse ce qui brouille un peu les cartes par rapport aux couches moyennes dont les orientations à l'égard des milieux populaires sont diverses ce qu'on observe en France et aux Etats-Unis dans ces quartiers. C'est pour ces raisons que la notion d'embourgeoisement semble inappropriée et que la notion de gentrification nous a semblé utile.Trois grandes approches sont contenues dans la notion de gentrification :a) La politique à l'égard des quartiers anciens centraux qui se transforment grâce à une démarche de réhabilitation. On veut revaloriser le centre des villes, remettre en cause la place de la voiture et le gigantisme. Des opérations de « réhabilitation » sont mises en œuvre dans les espaces qui étaient alors les plus dévalorisés. Cest le succès de l'ouvrage de Jane Jacobs qui met à la mode à travers Greenwich village, le village dans la ville. On comprend dans cette démarche les recherches qui dans le monde anglo-saxon cherchent à identifier de nouveaux styles de vie, des cultures propres au capitalisme actuel.b) La relation entre l'intervention publique et le secteur privé. En effet, la gentrification ne peut pas être analysée comme une dynamique spontanée obéissant aux lois du marché mais à un processus. Dans ce processus, il existe bien des quartiers gentrifiables pour des raisons de potentialités techniques et d'insertion dans le marché.c) Le mode de relation entre anciens et nouveaux habitants qui aboutit à interroger la mixité sociale qui apparaît comme un stade dans le processus de gentrification. Se pose alors le problème de la cohabitation, de l'affrontement ou de l'évitement. Se pose aussi la question de la stratégie des municipalités dans leurs politiques de peuplement.Ces angles d'approches sont présents dans ce numéro mais nous avons voulu les prendre compte à partir du discours public. En effet, et c'est une voie que j'ai reprise tant dans sociologie de la ville, que dans mes recherches sur les îlots insalubres, il est important de savoir comment se construisent les politiques et donc de quelle manière se construit une politique de la gentrification.Parmi les ingrédients de construction de cette politique il y a le discours sur le déclin des quartiers populaires et donc un besoin de renouveau qui prend les termes de rénovation, réhabilitation, regeneresecence, etc. La description entraîne la prescription. Il y a enfin une correspondance entre les discours publics et ceux des nouveaux occupants, que l'on appelle les gentrifieurs. On observe ces éléments tant à Montréal, qu'en Grande-Bretagne et qu'à Paris.En GB, c'est le discours sur la Renaissance urbaine qui porte en lui le retour à une urbanité retrouvée : la communauté, la mixité sociale, voire une nouvelle architecture. A Montréal, un nouveau style de vie apparaît au travers de commerces spécialisés et grâce à l'appui des médias : on recherche le goût de l'authentique notamment en matière alimentaire. Or ces commerces sont des marqueurs du territoire gentrifié, comme le montre d'ailleurs le lieu où nous sommes.Enfin à la Goutte d'Or, c'est le contexte bien particulier de l'étiquetage de ce quartier, et une gentrification qui tarde à venir, d'où une mixité sociale posée à l'intérieur même de la procédure de participation mis en place par la ville de Paris. Et les gentrifieurs présentent toutes les figures de la bonne volonté culturelle à l'hostilité.Tous ces éléments relatifs au discours me semblent unifier la notion de gentrification au-delà de la diversité des situations. Parfois un retour au centre de catégories moyennes et supérieures qui l'ont quitté, parfois de nouveaux venus qui vivent leur nouvelle installation comme une extra-territorialité provisoire.