Les intérimaires des entrepôts : des salariés subalternes au cœur des recompositions des mondes ouvriers.
Lucas Tranchant est sociologue, maître de conférences à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, membre du laboratoire Cresppa-CSU (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris - Cultures et Sociétés Urbaines) et chercheur affilié au CEET (Centre d'études de l'emploi et du travail). Il a soutenu une thèse de sociologie sur le travail ouvrier en entrepôt et les recompositions du salariat populaire en France en 2019 à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales). Ses recherches portent sur les mondes ouvriers du secteur de la logistique, l'intérim et les transformations des classes populaires contemporaines. Il travaille à partir de méthodes mixtes, articulant ethnographie et exploitation quantitative des données de la statistique publique.
Introduction
Quel intérêt peut-il encore y avoir aujourd'hui à enquêter sur les mondes ouvriers ? Avec la poursuite de la désindustrialisation en France, la contraction numérique du groupe des ouvriers s'est accrue, contribuant à forger l'image d'un déclin inexorable, comme si tout un pan de la population active française n'était qu'un héritage des Trente Glorieuses condamné à une disparition inéluctable face à la modernisation des structures économiques. Pourtant, les ouvriers restent bien présents dans la société française. Après les vagues de restructuration des années 2000, les effectifs se sont stabilisés et les ouvriers représentent toujours plus de 5 millions d'emplois (soit un actif occupé sur cinq), et même près d'un actif sur trois chez les hommes (Figure 1).
Si la part des ouvriers dans la population active diminue autant depuis la fin des années 1970, c'est aussi en raison de la réduction de la centralité masculine sur le marché du travail par la montée de l'emploi féminin salarié. En effet, en séparant les actifs occupés des actives occupées, on remarque que le rang de chaque PCS dans la structure sociale sexuée a peu changé (Figure 1). Chez les hommes, les ouvriers continuent de former le principal groupe social avec 33 % des actifs occupés, contre 43 % dans les années 1980. Au sein des femmes actives occupées, où les ouvrières n'ont jamais été majoritaires, leur part se réduit de 16 % à 9 % entre 1982 et 2017. Or, durant la même période, le taux d'emploi des femmes a augmenté continument et celui des hommes a baissé. Les femmes étant moins souvent ouvrières que les hommes, l'affaiblissement relatif du groupe ouvrier dans la structure professionnelle d'ensemble découle donc de l'augmentation très importante de l'emploi des femmes sur cette période.
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Figure 1 : Evolution des effectifs de chaque catégorie sociale chez les hommes (à gauche) et les femmes (à droite) entre 1983 et 2016.
Source : Enquêtes Emploi, 1982-2017.
Champ : actifs occupés, France métropolitaine.
Pour autant, le groupe ouvrier a connu de profondes recompositions. Une des plus saisissantes provient du passage à une économie tertiaire, puisque les ouvriers travaillent désormais en majorité dans ce secteur d'activité (transport, nettoyage, maintenance, tourisme, restauration, etc.) alors que l'industrie et la construction ne représentent plus que 47 % des emplois ouvriers. Les métiers du transport et de la logistique, en particulier, ont connu une croissance rapide à partir des années 1980. Ils représentent désormais plus d'1,4 million d'emploi (contre moins d'1,2 million quarante ans auparavant), et l'écrasante majorité de ces emplois sont des emplois ouvriers. Au moment où les restructurations industrielles ont conduit à la fermeture de nombreuses usines sur le territoire, la massification des flux commerciaux a provoqué la consolidation de tout un secteur d'activité destiné au déplacement des marchandises. Ce changement économique, que certains sociologues ont appelé « révolution logistique » (Bonacich et Wilson, 2008) tient à la fois à l'essor de la grande distribution, aux dynamiques de délocalisation industrielle et d'éclatement de chaînes de production internationales et, plus récemment, à l'explosion du e-commerce. Derrière toutes ces évolutions, l'on trouve le même besoin de transporter des marchandises sur longue distance, aboutissant à la multiplication des camions sur les routes et des entrepôts à proximité. Ce sont ainsi les emplois de chauffeur, de cariste et de préparateur de commande qui ont connu la plus forte croissance au sein du groupe ouvrier ces quarante dernières années, et sont venus compenser une partie des destructions d'emplois dans l'industrie (Figure 2).
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Figure 2 : Les 10 professions ouvrières les plus en expansion et les plus en déclin entre 1983 et 2016.
Source : Enquêtes Emploi, 1982-2017.
Champ : actifs occupés, France métropolitaine.
Lecture : Les barres vertes (respectivement : rouges) représentent les métiers qui ont connu une augmentation (respectivement : un déclin) de leurs effectifs entre 1983 et 2016. L'évolution entre 1983 et 2008 est représentée par la portion la plus foncée des barres, celle entre 2008 et 2016 par la portion la plus claire. Le nombre de nettoyeurs et ouvriers du traitement des déchets a augmenté de
+166 900 entre 1983 et 2016, dont +142 700 entre 2008 et 2016.
Cet article propose d'explorer la condition ouvrière contemporaine à partir de la situation des intérimaires des entrepôts logistiques. A rebours du fantasme d'une disparition des travaux pénibles grâce à l'automatisation et à l'élévation des qualifications, les enquêtes sur les emplois ouvriers de la logistique montrent que ces derniers se caractérisent par des conditions de travail pénibles et précaires. Dans ce secteur d'activité, dégradation de l'emploi et dégradation du travail s'entretiennent mutuellement.
Encadré méthodologique
L'enquête a porté sur les conditions de travail et d'emploi d'ouvriers de la logistique en Île-de-France. J'ai mené une observation à couvert pendant six mois en 2016, travaillant comme intérimaire préparateur de commandes dans trois entrepôts de trois entreprises différentes. Les matériaux d'enquête se composent de mes observations dans les entrepôts étudiés et dans les agences d'intérim fréquentées. J'ai aussi réalisé des entretiens avec trente ouvriers de ces entrepôts (intérimaires et permanents), le directeur d'un site, les responsables des deux agences avec lesquelles j'ai travaillé, et des représentants syndicaux d'autres entreprises du territoire. Tous les ouvriers rencontrés sont des hommes, à l'image d'un secteur à la main-d'œuvre très majoritairement masculine (Rivoal, 2021). Pour situer les cas observés sur le terrain dans le contexte national, j'ai également exploité plusieurs bases de données de la statistique publique (enquêtes Emploi, Conditions de travail, Recensement et Relations professionnelles et négociations d'entreprise) en comparant les travailleurs de la logistique avec les autres fractions des mondes ouvriers.
Un intérim de masse générateur de précarité et de disqualification professionnelle
Le secteur de l'entreposage est un des principaux à recourir au travail temporaire. En Île-de-France, en 2018, les activités de transport, d'entreposage et de commerce de gros regroupent 25 % de l'ensemble des intérimaires de la région (en équivalent temps plein), devant l'industrie (22 %) et la construction (15 %) [1]. Dans l'entreposage, il y a ainsi constamment un volant de travailleurs sous statut intérimaire : l'intérim y représente environ un quart des emplois, avec des pointes à plus de 70 % dans certains entrepôts. Les employeurs font donc un usage structurel de l'intérim, en contradiction avec le cadre légal qui en limite normalement le recours à des motifs précis et temporaires et en interdit l'usage pérenne [2]. Cette présence d'un volant permanent de main-d'œuvre temporaire sur des postes peu qualifiés peut être définie comme un intérim de masse (Tranchant, 2018), dont on va voir qu’il découle de stratégies précises de gestion flexible de la main-d'œuvre et de contraction des coûts qui ne se limitent pas à des besoins saisonniers et dépassent largement les motifs de recours inscrits dans la loi.
Un recours structurel à l'intérim sur des missions courtes
L'intérim s'est créé en France dans un contexte de plein-emploi, en se proposant comme une solution pour des entreprises ayant des difficultés à recruter. Mais en contexte de chômage endémique, l'usage extensif de l'intérim est davantage une forme de flexibilité quantitative de la main-d'œuvre adaptée à des organisations productives en flux tendu. Cela permet à une entreprise de limiter sa masse salariale ou de l'adapter aux fluctuations de son activité, par exemple en mettant fin aux missions des intérimaires lors de la perte d'un client ou en période de ralentissement économique. Cette logique est très marquée dans le secteur logistique, où les entrepôts sont fréquemment exploités par des prestataires sous-traitants des chaînes d'approvisionnement et de distribution d'entreprises de l'industrie ou du commerce. La concurrence dans ces secteurs est importante et les contrats de sous-traitance ont généralement une durée de 2 à 5 ans, rendant très fréquente la perte d'un client pour un entrepôt et les variations d'activité. Malgré son surcoût lié à la marge commerciale prise par l'entreprise de travail temporaire (ETT), c'est bien une logique de réduction des coûts qui détermine le recours à l'intérim. L'intérim est aussi une externalisation de la gestion de la main-d'œuvre, qu'il s'agisse d'externaliser des « illégalités » (Chauvin et Jounin, 2010) telles que l'emploi de travailleurs sans-papiers, ou l'ensemble des coûts indirects liés à l'emploi de salariés (formation, santé, etc.).
L'intérim est également un mode de recrutement et de sélection des salariés pour des entreprises gourmandes en main-d'œuvre, puisqu'il permet de déléguer le recrutement et la gestion d'une partie des travailleurs auprès des agences de travail temporaire. Cette fonction est particulièrement importante pour les emplois en entrepôt où le turnover est important, en raison des faibles salaires ou des conditions de travail difficiles. L'entreprise utilisatrice paye certes un coût supplémentaire en déléguant la gestion des salariées à un intermédiaire, mais elle économise aussi du temps et des frais de gestion qui peuvent être importants. De plus, des accords-cadres nationaux entre les grandes ETT et les principales entreprises utilisatrices garantissent des prix réduits en compensation de l'utilisation de gros volumes d'intérimaires.
Les usages concrets de l'intérim par les entreprises utilisatrices débordent donc le cadre règlementaire défini par la loi. Dans les faits, le contrat de mission n'est qu'une formalité qui en dit peu sur la nature réelle de la mise à disposition. Dans la logistique, les contrats de mission sont généralement à la semaine, mais sont reconduits d'une semaine sur l'autre tant que l'intérimaire est voulu par l'entreprise, et les motifs de recours ne sont pas toujours respectés. Pour garder (parfois de longs mois) un même intérimaire, les entreprises utilisatrices et les ETT jouent à modifier régulièrement le motif de recours indiqué sur le contrat de mission. En parallèle, la limite des 18 mois de mission pour un intérimaire fait l'objet de contournements aboutissant à ce que certains travaillent plusieurs années pour les mêmes entreprises. Face à ces usages très larges des possibilités de flexibilité du travail temporaire, il existe une forte tolérance des pouvoirs publics. L'inspection du travail, aux moyens constamment réduits en ce qui concerne le contrôle des entreprises, se voit contrainte de limiter son action aux cas de mésusage considérés comme les plus graves, par exemple l'utilisation d'intérimaires en période de grève, ou à l'enquête en cas d'accidents du travail.
Une disqualification professionnelle
Moins de 5 % des ouvriers exerçant sur des postes logistiques ont suivi une formation spécialisée dans le transport, la manutention ou le magasinage. Dans les entrepôts, le type de poste est très peu lié à un diplôme ou une formation particulière. Ainsi, la très grande majorité des personnes rencontrées arrivent à la logistique à l'issue de trajectoires sociales diversifiées et contraintes par les opportunités locales (Tranchant, 2021).
L'intérim en entrepôt ne demande que peu de compétences ou de qualifications spécifiques, ce qui fait de lui un mode d'emploi « par défaut », c'est-à-dire par défaut de capitaux valorisables sur les autres marchés du travail. Ainsi on retrouve dans les entrepôts de nombreux jeunes travailleurs sans diplôme ou avec des petits diplômes de l'enseignement professionnel court, dévalorisés sur le marché du travail (CAP ou BEP mécanique, peinture, etc.). Ce sont parfois des accidents biographiques (licenciement, détention), le chômage (Pôle emploi constitue un « vivier » de recrutement important pour les agences) et la migration qui conduisent les travailleurs vers l'intérim. La présence dans les entrepôts de travailleurs immigrés parfois hautement qualifiés (4 sur les 9 rencontrés sont titulaires de diplômes supérieurs au baccalauréat) renvoie à la hausse continue du niveau de diplôme des immigrés en France, et illustre le déclassement que subissent souvent ces travailleurs en raison des discriminations structurelles au marché du travail français (Safi, 2006).
Sur ces postes peu qualifiés, l'intérim agit comme un vecteur de disqualification professionnelle. Lors de l'inscription en agence d'intérim, les candidats sont dépouillés de toute singularité et réduits à une main-d'œuvre interchangeable susceptible d'être affectée à des postes de préparateur de commande ou de cariste indifférenciés les uns des autres. Il est simplement attendu des candidats qu'ils aient un état de santé suffisant, des disponibilités temporelles élargies, du « savoir-être » et un permis de conduire. La possession d'une certification professionnelle telle que le CACES [3] ou d'une expérience antérieure est perçue positivement, mais dans tous les cas la trajectoire d'un intérimaire commence par une mise à l'essai : l'intérimaire est envoyé sur des missions peu qualifiées et souvent ingrates pour qu'il fasse ses preuves. L'expérience intérimaire est aussi celle de l'attente, l'agence détenant le « pouvoir de convoquer » (Chauvin, 2010) les intérimaires, et donc en creux celui de ne plus proposer de mission à un candidat s'il est jugé insatisfaisant ou s'il refuse des missions.
La disqualification professionnelle passe également par la précarité inhérente à ce statut d'emploi. A tout moment l'intérimaire peut voir son détachement s'arrêter à l'occasion d'une « fin de mission » décidée par l'entreprise utilisatrice. Par ce « pouvoir de révoquer » que détient l'entreprise utilisatrice, ce statut d'emploi devient alors une sorte de période d'essai à durée indéterminée, où la mise à l'épreuve des salariés peut durer plusieurs mois avant qu'ils se voient proposer éventuellement (et de plus en plus rarement) un CDD ou un CDI. Ce fonctionnement instaure un mécanisme de rotation-sélection, où seuls les intérimaires jugés les plus résistants à l'effort et les plus productifs restent d'une semaine sur l'autre et sont susceptibles d'être titularisés.
Une précarité aménagée
Si cet intérim de masse génère une mobilité professionnelle largement contrainte, et au bénéfice des entreprises utilisatrices, les intérimaires ne sont pas dépourvus de toute autonomie. Dans un secteur où les bas salaires sont rattrapés par l'inflation, écrasant l'ensemble de la grille des rémunérations de la branche sur le seuil du SMIC, l'intérim apparaît comme un moyen de gagner un peu plus à court terme. Au salaire de base s'ajoutent en effet 10 % de prime de précarité et 10 % de congés payés. De plus les intérimaires cherchent à éviter les entrepôts aux conditions de travail les plus difficiles, certains n'hésitant pas à quitter une mission lorsqu'elle est jugée trop difficile ou qu'une autre opportunité se présente. Ceux qui travaillent sous statut temporaire depuis plusieurs années sont généralement inscrits dans plusieurs agences et, lorsque la conjoncture le permet, ils monnayent leur expérience aux agences qui leurs offrent les meilleures missions. Le rythme de l'intérim, où se succèdent des temps d'emploi très intenses (les congés étant payés sous forme d'indemnité, les intérimaires au long cours ne font souvent pas de pauses pendant de longs mois) et des périodes sans emploi, est aussi présenté comme une condition pour supporter les conséquences physiques du travail.
Les intérimaires exercent donc un « pouvoir de mobilité » (Alberti, 2014) permettant de desserrer la contrainte de la subordination et des mauvaises conditions de travail. Pour certains, ce sont même de véritables carrières intérimaires qui se mettent en place. En construisant une relation de long terme avec l'agence qui les emploie, certains intérimaires parviennent à faire reconnaître leur qualité et à négocier un accès privilégié aux missions les plus rémunératrices ou les moins pénibles. Si ces mobilités sont « horizontales » ou « sur place » du point de vue de la structure professionnelle (Dubost et Tranchant, 2019), elles n'en sont pas moins signifiantes pour les intérimaires. Dans quelques cas, rares, cela peut même donner lieu à des parcours qualifiants. L'agence d'intérim finance alors des formations à l'intérimaire afin de l'affecter à des missions plus qualifiées. Pour d'autres, l'aménagement de la précarité passe par un carnet de relations personnalisées avec l'encadrement intermédiaire des entrepôts. A force de circuler entre les différents établissements d'un territoire, certains intérimaires forgent des relations de confiance avec des chefs d'équipe. Ces derniers peuvent faire appel directement à ces intérimaires de confiance en cas de besoin, demandant nommément à l'ETT de les faire travailler. Ces formes de « loyauté » (Jounin, 2006) sont importantes pour les intérimaires afin de faire face à l'incertitude de leur condition.
Tous les intérimaires ne sont toutefois pas égaux face à ces arrangements avec l'emploi précaire. Pour que cette précarité soit soutenable (Roux, 2022), il faut pouvoir vivre avec l'incertitude des horaires et des rémunérations, ce que peuvent davantage se permettre les célibataires ou ceux qui sont en couple avec une conjointe en CDI. A l'inverse, la présence d’enfants, le souhait d'accéder à la propriété ou le besoin de trouver une location limitent la poursuite en intérim. De même, lorsque l'état de santé se dégrade, il devient plus difficile d'enchainer les missions, parfois très difficiles. Ces multiples contraintes poussent certains intérimaires à prendre un CDI dans une entreprise utilisatrice, bien qu'il s'agisse souvent d'un choix par défaut. D’autres font le choix d’un CDI intérimaire [4], troquant le surcroit de salaire et l'autonomie dans le choix des missions contre une garantie d'emploi et de salaire. Le souhait de se mettre à son compte est également présent chez une partie des intérimaires, souvent en réponse à une mobilité perçue comme sans issue, un « plafond de carton » (Gaborieau et Benvegnù, 2018). La sortie de l'entrepôt s'effectue parfois vers des activités accessibles sans diplôme comme taxi ou chauffeur VTC, ou des univers de travail à proximité de la logistique, comme chauffeur routier, un travail souvent vu comme plus désirable car s'effectuant loin de la surveillance directe de l'encadrement. Toutefois, ces passages à l'indépendance restent rares car confrontés à des barrières économiques (financement du permis poids-lourd, achat d'un véhicule).
L'intérim en entrepôt est donc un révélateur d'une forme de dégradation de l'emploi, qui forge des trajectoires professionnelles précaires également observées dans de nombreux secteurs d'emplois ouvriers (industrie automobile, agroalimentaire, construction, etc.). Mais la condition de travailleur en entrepôt ne peut se comprendre sans tenir compte, dans le même temps, des conditions de travail.
Une dégradation du travail sous la pression des flux
La condition des ouvriers intérimaires de la logistique ne trouve pas uniquement sa source dans la précarité du statut d'emploi. Elle tient également à des formes d'organisation du travail dans lesquelles les intérimaires sont des rouages essentiels de la production d'un flux tendu.
Une organisation du travail sous la tension des flux
A la différence des usines, les entrepôts sont uniquement dédiés au déplacement des marchandises. Les produits n'y sont pas fabriqués mais déplacés, réorganisés, reconditionnés. Un entrepôt est donc une véritable « usine à colis » (Gaborieau, 2016) dédiée à la production d'un flux. Alors que jusqu'aux années 1980 l'entreposage était vu comme une activité secondaire génératrice de coûts, les plateformes logistiques sont désormais envisagées comme un centre de profit où la fabrication d'un flux produit de la valeur. Ce flux de marchandises a en effet une importance considérable pour les entreprises clientes des entrepôts. Dans la grande distribution, il s'agit d'approvisionner quotidiennement les magasins avec des références en nombre croissant, et dans un contexte où les magasins ont de moins en moins de stocks sur place. Pour l'industrie, la diffusion d'un modèle de production en juste-à-temps donne une grande importance aux chaînes logistiques. Et dans l'e-commerce, l'accélération des délais de livraison promis aux clients met également sous tension l'ensemble des acteurs logistiques, notamment dans le sous-secteur de la messagerie express.
Cette mise sous tension des flux est fondamentale pour comprendre l'organisation du travail dans les entrepôts aujourd'hui. Loin d'être des espaces de stockage, les entrepôts sont les points d'activation des flux. Un peu comme une pompe dans un circuit hydraulique, l'entrepôt joue un rôle de mise en circulation et de répartition des marchandises. C'est ce mouvement qui est responsable de l'accroissement des effectifs ouvriers dans l'entreposage. Puisqu'il y a toujours davantage d'opérations humaines à faire pour déplacer et répartir les marchandises au sein des entrepôts, il y a un besoin croissant de caristes et de préparateurs de commandes.
Ces flux ont aussi la particularité d'être variables et imprévisibles. C'est par exemple la saisonnalité des produits ou des pratiques de consommation qui conduit à ce que les effectifs ouvriers chez Amazon doublent en période de fêtes de fin d'année, par une utilisation massive d'intérimaires. Les entrepôts s'inscrivent dans un système économique tiré par la demande, où ce sont les achats des consommateurs (finaux ou intermédiaires) qui déclenchent des ordres d'approvisionnement qui se répercutent en cascade vers l'amont. Par ailleurs, les prestataires logistiques sont engagés dans une concurrence féroce les uns contre les autres, et il est fréquent qu'un entrepôt gagne ou perde un client, ce qui fait fortement varier l'activité.
Un néo-taylorisme assisté par ordinateur
Au cœur des chaînes d'approvisionnement, les entrepôts suivent également les principes du lean management, dans lequel il s'agit d'optimiser les coûts pour générer du profit. Mais l'organisation du travail s'écarte de celle de l'industrie automobile, pourtant berceau de la lean production (en flux tendu). Loin de la révolution toyotiste qui associe flexibilisation du travail, responsabilisation des travailleurs et formes d'automatisation, dans les entrepôts s'observe davantage un néo-taylorisme assisté par ordinateur, où le renforcement de la surveillance et du contrôle par les outils managériaux recrée une forme de travail à la chaîne.
Taylorisme, toyotisme, néo-taylorisme
Le taylorisme désigne une forme d'organisation « scientifique » du travail développée par l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor dans l'industrie à la fin du 19ème siècle sur le principe d'une stricte séparation des tâches d'exécution avec celles d'encadrement, d'une rationalisation de la production et d'une lutte contre le pouvoir ouvrier sur la production. Cette organisation du travail s'épanouit dans un contexte fordiste associant production de masse et stabilisation de la main-d'œuvre dans les années 1940 à 1980 au sein de grandes usines, avant d'être fortement recomposée par les logiques de production en flux tendu, de sous-traitance en cascade et de précarisation du travail.
La remise en cause du taylorisme dans l'industrie automobile est notamment due à l'émergence d'un modèle « toyotiste » au Japon dans les années 1960-1970, qui associe production en juste-à-temps, flexibilisation du travail, responsabilisation des travailleurs, groupes de travailleurs semi-autonomes et participation des ouvriers à des cercles de qualité. La diffusion de ces principes, alors décrits comme l'avènement d'un « post-taylorisme », a pu être vue comme la promesse d'un enrichissement du travail ouvrier, bien que les enquêtes sur le secteur automobile mettent en lumière d'autres logiques de dégradation du travail par la pression managériale et le chantage à l'emploi (Carbonell, 2023).
La notion de néo-taylorisme décrit le renouvellement des principes tayloriens dans des secteurs d'activité reposant massivement sur du travail d'exécution peu qualifié, précaire, répétitif et pénible, mais s'appuyant aussi sur un management renouvelé par l'usage de technologies numériques et l'individualisation des statuts d'emploi et des rémunérations (Gautié et Perez, 2023). Cette caractérisation s'applique parfaitement au travail en entrepôt mais concerne plus généralement de nombreux secteurs du tertiaire peu qualifié (grande distribution, nettoyage, livraison, etc.) (Amossé et Coutrot, 2008).
Une chaîne logistique informatisée
L'informatisation de la gestion des stocks s'est généralisée dans les entrepôts à partir des années 2000. Désormais, les produits présents dans l'entrepôt sont connus en temps réel, et les commandes passées sont rentrées en continu dans le système informatique. Ce système est lui-même relié par Internet à l'amont (les fournisseurs) et l'aval (les clients), ce qui permet une gestion informatisée de l'ensemble de la chaîne logistique. La répartition et la priorisation des commandes à réaliser par les ouvriers est également informatisée. Les ouvriers sont équipés d'un terminal de préparation, généralement un « pistolet » ou une « douchette » affichant sur un écran la commande à réaliser et l'ordre de prélèvement des produits. Dans les cas les plus avancés, ces consignes passent par une commande vocale, où l'interface visuelle est remplacée par un casque audio dans lequel une voix numérique indique les opérations.
Ces technologies ont contribué à accélérer et routiniser le travail. Avant l'arrivée de ces outils, les ouvriers organisaient leur travail à partir d'un bon de commande papier, et se déplaçaient dans l'entrepôt suivant le parcours qu'ils considéraient le plus logique. Avec la prescription informatisée, le parcours de réalisation de la commande est programmé, ce qui limite l'autonomie de déplacement des travailleurs, et la totalité du temps de travail est consacrée à la manutention, au détriment des temps d'organisation qui sollicitent moins le corps (Gaborieau, 2012). Ce sont ces outils numériques qui sont au cœur du processus de dégradation du travail, davantage que l'automatisation qui reste encore rare dans le secteur (Hocquelet, 2021).
Un travail sous surveillance
Les commandes à préparer ne se présentent jamais comme des demandes venues directement des clients. Des employés (opérateurs de saisie, pilotes de flux) rentrent les commandes dans un système informatique, et c'est un algorithme qui distribue les tâches de manutention en fonction de l'état des stocks en temps réel. La distribution du travail dans les entrepôts présente des points communs avec le management algorithmique (Rosenblatt, 2018), une notion développée pour les plateformes offrant les services de travailleurs formellement indépendants (transport de particuliers, livraison de repas, etc.). Mais à la différence des plateformes où ce management algorithmique sert à contrôler à distance des travailleurs qui n'ont pas de lien de subordination formel, dans les entrepôts l'efficacité du dispositif tient principalement à des aspects disciplinaires. Grâce au progiciel de gestion [5], la productivité des ouvriers est surveillée en temps réel par l'encadrement intermédiaire, et ce sont les contremaîtres qui viennent réprimander les salariés jugés trop lents ou faisant trop de pauses. Comme dans d'autres univers de travail tayloriens faisant appel à l'automatisation informatique pour l'organisation du travail, les algorithmes complètent et prolongent le contrôle de l'encadrement davantage qu'ils ne le remplacent (Jounin, 2021).
L'omniprésence de la mesure de la productivité individuelle, sous forme d'objectifs de colis par heure ou de palettes par heure, traduit la place centrale des indicateurs chiffrés, présents à tous les échelons de l'entreprise (Benvegnù, 2023). Les entrepôts sont en permanence évalués à l'aune de leur performance. Le calcul du coût par colis ou du taux de satisfaction des clients sert ainsi à comparer les établissement entre eux dans le cadre de la négociation des contrats de sous-traitance ou de la mise en place de politiques de groupes. Les directeurs de sites et l'encadrement intermédiaire ont ainsi des objectifs chiffrés, dont dépend une partie de leur salaire et, parfois, la reconduction de leur contrat. En bout de chaîne, ce sont les ouvriers qui subissent cette pression du chiffre produite par la mise en tension des flux. A travers cette organisation du travail, c'est la marchandise qui imprime son rythme aux travailleurs : l'enchaînement des commandes à réaliser avec des objectifs de production élevés se rapproche alors du travail à la chaîne dans l'industrie.
A cette logique disciplinaire s'ajoutent d'autres outils managériaux de gouvernement des conduites. En effet la surveillance ne peut pas assurer à elle seule l'implication des salariés attendue par l'encadrement, ne serait-ce parce que les ouvriers en CDI ne peuvent être soumis au chantage à l'emploi de la même manière que les ouvriers en intérim ou en CDD. D'où les gratifications matérielles ou symboliques pour les travailleurs les plus productifs, sous la forme notamment des primes individuelles de productivité. Ces primes, calculées à partir de la productivité moyenne du salarié au cours du mois, visent à inciter les ouvriers à maintenir leur niveau d'engagement pour bénéficier de la prime chaque mois.
Déqualification et dégradation du travail
L'accélération des flux et la rationalisation de l'organisation du travail, dont on vient de voir qu'elles étaient intimement liées, ont comme conséquence l'intensification du travail. Si cette dynamique n'est pas propre au secteur logistique et a été observée dans de nombreux secteurs d'activité depuis les années 1980 (Gollac, 2005), elle est ici particulièrement saillante en ce qu'elle s'est traduite par une augmentation brutale des atteintes à la santé. Dans les entrepôts, le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles a fortement augmenté au début des années 2000, au moment où l'introduction d'outils numériques renforçait la logique tayloriste d'un accroissement de la productivité par le recentrement du travail autour de tâches répétitives (Gaborieau, 2012). La logistique rivalise désormais avec le BTP pour le haut du classement des secteurs les plus pathogènes, causant chez les ouvriers des lombalgies et des troubles musculosquelettiques dès 30-35 ans.
Ces chiffres sont d'autant plus frappants qu'ils tiennent peu compte des atteintes à la santé touchant les intérimaires du secteur, en grand partie invisibles dans les comptages de l'assurance maladie. Pourtant, tout laisse penser que ce sont les premiers concernés par cette intensification du travail : en premier lieu, car les intérimaires héritent souvent des postes et des tâches les plus difficiles et du matériel dégradé, mais aussi car ils sont plus que les autres soumis à des injonctions à la productivité. Dans l'un des entrepôts enquêtés, certains intérimaires travaillent pendant la pause légale de 20 minutes pour augmenter leur production, prendre de l'avance ou simplement rattraper leur retard sur le « quota » en dessous duquel ils sont exposés à une « fin de mission ». Les risques sont également accrus par une moindre prévention en matière de santé-sécurité au travail auprès de ces travailleurs, qui sont par ailleurs peu formés et doivent sans cesse s'adapter à de nouveaux environnements de travail (Scalvinoni, Montcharmont et Belkacem, 2023).
La présence massive de travailleurs temporaires est plus largement au cœur de la dégradation du travail. Leur présence contribue en effet à imprimer un rythme de travail soutenu à l'ensemble des équipes ouvrières. En outre, les postes des intérimaires sont utilisés pour mettre en place des innovations organisationnelles ou de nouveaux outils techniques. Dans un des établissements étudiés, la direction a ainsi introduit, sur les postes des intérimaires, la polyvalence entre les tâches de cariste et de préparateurs de commandes à laquelle s'opposaient les syndicats de salariés. Or cette polyvalence forcée est synonyme de déqualification du travail, puisqu'elle aboutit à faire disparaître les postes de cariste, situés plus haut que ceux de préparateur de commandes dans les grilles de classification. Elle accroît également le rythme du travail, en contraignant les ouvriers à être changés de poste en fonction des besoins de la production et en limitant l'existence de temps plus calmes au sein des journées de travail.
Une individualisation du rapport au travail
Si le recours massif à l'intérim contribue à compresser les coûts de main-d'œuvre tout en accroissant la productivité, une autre conséquence, moins souvent mise en lumière, réside dans la reconfiguration des formes d'intégration dans les collectifs de travail. Comme de nombreuses enquêtes l'ont montré, les intérimaires sont moins bien intégrés que les autres salariés dans les collectifs de travail (Barlet, Barnier, Mascova, Mias, Pillon et Tranchant, 2024). Ils sont parfois victimes de mépris ou ignorés par leurs collègues titulaires, d'autant plus que ces derniers reportent sur eux une partie des tâches ingrates. Par ailleurs les intérimaires sont vus comme des travailleurs peu formés, qui connaissent mal leur environnement de travail, ou comme des individualistes ne souhaitant que maximiser leur salaire en jouant le jeu de la productivité. Le recours massif à l'intérim dans les entrepôts contribue donc à fracturer les collectifs de travail, bien que des affinités puissent se nouer entre travailleurs de différents statuts au cours du travail.
Cette division des collectifs complique l'action syndicale dans un secteur déjà marqué par une faible implantation [6] et une forte répression contre les organisations les plus contestataires. Dans les entrepôts, qui sont généralement des établissements de taille moyenne, l'implantation syndicale rencontre de multiples freins : désintérêt des fédérations syndicales dans lesquelles dominent les chauffeurs routiers et/ou le transport de personnes ; éclatement des établissements au sein des groupes nationaux ou internationaux ; isolement des entrepôts sur des zones logistiques à distance des organisations territoriales ; manque d'ancienneté et de formation des militants. Par ailleurs, les employeurs mènent une forte répression contre les militants des syndicats les plus contestataires, n'hésitant pas à pratiquer des licenciements abusifs contre les « fortes têtes ». La présence de nombreux intérimaires, qui ne peuvent pas être représentés par la même section que les salariés de l'entreprise utilisatrice [7], vient donc renforcer la démobilisation syndicale à l'œuvre dans les entrepôts.
Un second effet plus insidieux de l'intérim découle de la socialisation professionnelle. Puisque tous les ouvriers débutent par l'intérim, ce statut d'emploi agit comme un filtre. Les travailleurs susceptibles de se voir proposer un contrat stable dans l'entrepôt sont ceux qui correspondent le mieux aux attentes de l'employeur, à savoir des travailleurs jugés productifs et dociles, les autres étant rapidement écartés et s'installant dans des trajectoires d'emploi précaire et discontinu. L'intérim produit donc une forme de sélection des travailleurs qui possèdent le moins de dispositions à contester le pouvoir patronal. De plus, le passage (souvent prolongé) par l'intérim habitue les salariés à ce rapport au travail productif conforme aux attentes de l'encadrement. Cette socialisation professionnelle n'est pas totale, puisqu'un certain nombre d'ouvriers lèvent le pied une fois qu'ils obtiennent un CDI, mais elle contribue à l'idée que chacun gère son implication dans la production, au détriment d'une régulation collective des enjeux du travail.
Conclusion
Le secteur logistique constitue un point d'observation privilégié de la « montée des incertitudes » (Castel, 2009) qui accompagne la fragilisation du salariat par la multiplication des formes d'emploi précaire. Légalisé il y a plus de cinquante ans, l'intérim est à présent une composante ordinaire de notre système d'emploi. Sa banalisation et son poids marginal dans la population active ne doivent toutefois pas masquer le fait qu'il opère des transformations très importantes dans les mondes ouvriers. Dans les entrepôts, il agit comme un facteur de « restructuration permanente » (Lomba, 2018) de la condition ouvrière par la déstabilisation de l'emploi et la dégradation du travail qu'il produit.
Références bibliographiques
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Pour aller plus loin
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Notes
[1] « L'emploi intérimaire – données mensuelles », mars 2018, Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, traitements de l'auteur.
[2] La loi fixe à 18 mois la durée maximale des missions et limite à trois le nombre de cas de recours autorisés : remplacement d'un salarié en cas d'absence ; accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; emplois à caractère saisonnier ou de nature temporaire.
[3] Il s'agit d'un certificat autorisant la manipulation de chariots de manutention, qui s'obtient après une formation de quelques jours et qui est valable 5 ans, généralement financée par l'agence d'intérim, par Pôle emploi ou par les travailleurs eux-mêmes.
[4] Le CDI-I, créé dans le cadre de l'accord national interprofessionnel de janvier 2013, est un CDI de droit commun, conclu entre un salarié et une agence de travail temporaire, mais avec la spécificité que le salarié est embauché pour réaliser des missions d'intérim. Les modalités de délégation restent ainsi les mêmes que celles qui s'appliquent aux intérimaires, mise à part l'absence d'indemnités de fin de mission et d'indemnités de congés. Lorsque le salarié en CDI-I n'est pas délégué dans une entreprise utilisatrice, il est en « intermission », payé au SMIC. Il peut être mis en congé, en formation, ou convoqué pour une mission dans la demi-journée et dans un rayon de 50 km autour de son domicile.
[5] Le progiciel de gestion est un système informatique composé d'un ensemble d'applications dédiées à la gestion d'une entreprise.
[6] Le taux de syndicalisation des ouvriers du secteur logistique est seulement de 4 %, contre 10 % pour l'ensemble des ouvriers (Enquête REPONSE 2017, calculs de l'auteur).
[7] Moins de 1 % des intérimaires sont syndiqués.