Le concept d'identité autour des travaux de Claude Dubar
Stéphanie Fraisse-D'Olimpio
Claude Dubar est professeur émérite de sociologie à l'université de Versailles Saint Quentin en Yvelines. Il a fondé le laboratoire Printemps (Professions-Institutions-Temporalités), unité mixte de recherche du CNRS.
Il a été maître de conférence de sociologie a l'Université des sciences et techniques de Lille I, détaché au CNRS et directeur du Laboratoire de sociologie du travail, de l'éducation et de l'emploi (LASTREE) de Lille, également détaché au CEREQ (ministère de l'éducation et du Travail). Il a également été président de la Société Française de sociologie (devenue Association Française de sociologie) de 1999 à 2001. Il dirige aussi la revue Temporalités (ed. Octarès).
Ses travaux portent notamment sur les politiques et pratiques de formation continue. Il s'interroge en particulier sur le lien entre formation continue et promotion sociale [1], faces d'une même réalité, et analyse les pratiques des organismes et des publics impliqués dans la formation professionnelle. Il souligne les glissements de sens et les inflexions de l'action publique qui ont progressivement tendu à faire de la formation une obligation personnelle. Chaque salarié est responsable du maintien de son employabilité et doit s'adapter aux impératifs économiques. Claude Dubar prolonge ensuite cette réflexion [2] sur le rôle de la formation professionnelle pour les entreprises, les salariés et les chômeurs dans un contexte de mondialisation et de diffusion des technologies de l'information et de la communication. Il systématise l'analyse comparative et observe comment les différents acteurs sociaux, et notamment les jeunes [3] considèrent et utilisent les nouveaux moyens de formation rendus obligatoires par la législation.
Claude Dubar s'intéresse également à la sociologie des groupes professionnels qui occupe en France une place plus modeste qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Ses contributions [4] sont les premières à véritablement présenter ce champ de recherche. Sa sociologie des professions retrace les grands modèles de professions qui se sont succédé en Occident et présente les principales théories sociologiques des professions qui continuent de se confronter ou de se combiner dans les travaux les plus récents. De nombreuses études empiriques menées en France des années 1960 à 2000 sont abordées autour notamment des questions de la féminisation et de l'internationalisation des groupes professionnels. L'ouvrage est un outil fondamental pour comprendre la dynamique des groupes professionnels et l'évolution des identités salariales.
Sa réflexion théorique porte ensuite sur l'analyse des entretiens biographiques [5] . A partir d'un corpus de récits d'insertion de jeunes sortis de l'école sans baccalauréat, en 1986, et rencontrés en 1994-1995, il reconstitue des « mondes professionnels » qui vont organiser quatre types de récits servant de support à des processus de construction identitaire. La méthode d'analyse des entretiens décompose les opérations permettant de passer des catégories sociales utilisées par les sujets interrogés (métier, emploi, petit boulot, embauche, place fixe, galère, contrat...) aux catégories analytiques de la théorisation sociologique.
Les thèmes de recherche abordés par l'auteur l'ont conduit à centrer son analyse sur les processus de socialisation et de construction identitaire dans l'espace professionnel [6] puisque comprendre comment se reproduisent et se transforment les identités sociales implique d'éclairer les processus de socialisation par lesquels elles se construisent et se reconstruisent tout au long de la vie. La dimension professionnelle des identités acquiert en effet une importance particulière dans un contexte de mutations du travail. Cette réflexion est prolongée dans son ouvrage récemment réédité, La crise des identités [7] qui étudie l'influence des principales transformations de nos sociétés sur l'exacerbation des questions identitaires. Ce dernier ouvrage servira de fil conducteur à ce dossier et nous remercions Claude Dubar d'avoir accepté de nous accorder un entretien pour éclairer ce complexe concept d'identité.
Ce dossier s'efforce d'apporter un éclairage sur la notion d'identité afin de guider les élèves préparant le concours des six IEP regroupés. Toutefois, la diversité des analyses et le caractère parfois contradictoire des approches de cette notion ne rend pas aisé la mise en cohérence des productions sur ce thème. Nous nous contenterons donc de présenter quelques synthèses d'ouvrages pertinents pour explorer trois thématiques : l'identité nationale, l'identité au travail et les mutations identitaires au sein de la famille.
Deux questions reviennent toutefois de manière récurrente dans les articles ou ouvrages évoqués dans ce dossier :
- L'émergence de la notion d'identité dans les sciences sociales reflète-t-elle le processus d'individualisation que l'on observe dans les sociétés contemporaines ? Et la « crise des identités » est-elle le signe d'une déstabilisation des institutions et des collectifs ?
- La notion d'identité vient-elle combler depuis les années 80 l'espace idéologique laissé vacant par le déclin de l'idéologie marxiste ?
Il n'en demeure pas moins que le concept d'identité demeure flou et mérite donc d'être utilisé avec beaucoup de précautions.
Quelques contributions de Claude Dubar
Une intervention lors d'un colloque de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg.
"La Formation Tout au Long de la Vie, un enjeu pour un développement humain et durable des territoires."
Des articles en ligne
Les publications de Claude Dubar sur le site Temporalités.
"Le pluralisme en sociologie : fondements, limites, enjeux", Socio-logos, n°1, mars 2006.
Présentation d'ouvrages de Claude Dubar
La socialisation. Construction des identités sociales et culturelles, A. Colin, 3e édition, 2000.
La crise des identités, L'interprétation d'une mutation, PUF, 2010.
L'entretien avec Claude Dubar
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Les questions et réponses en bref.
Sur le concept d'identité
L'émergence du concept d'identité dans les sciences humaines et sociales
Alfred Grosser dans un article du Monde (28 janvier 1994), « Les identités abusives »... « Peu de mots sont autant galvaudés ces temps-ci que celui d'identité ». En dix ans, l'identité est devenue un concept majeur des sciences humaines et sociales. Comment expliquer ce cheminement ?
La notion d'identité remonte aux origines de la pensée, puisque les philosophes présocratiques, tels Parménide ou Héraclite, se sont posés la question du lien entre changement et identité qui reste prégnant dans les sciences sociales.
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Une synthèse réalisée à partir de l'article de Catherine Halpern , «Faut-il en finir avec l'identité ?», in Identité(s), Editions Sciences humaines, 2004.
La question est reposée plus de 20 siècles plus tard au XVII et XVIIIe siècle par John Locke et David Hume notamment qui posent le problème de l'identité personnelle. Comment penser l'unité du moi dans le temps ? Suis-je la même personne qu'il y a 20 ans ? J.Locke propose de résoudre la question de l'identité personnelle par la mémoire (si je suis la même personne qu'il y a 20 ans, c'est parce que j'ai le souvenir des différents états de ma conscience). Cette problématique sera largement reprise par les sciences cognitives.
Mais c'est certainement le psychologue Erik Erikson qui jouera un rôle central dans la mise en circulation du terme et dans sa popularisation dans les sciences humaines. Il est considéré comme le père de l'identité au sens moderne. En 1933, Erikson, psychanalyste, quitte Vienne pour les Etats-Unis où il découvre les travaux en anthropologie de l'école culturaliste qui vont l'amener à faire évoluer les bases de la théorie freudienne vers les sciences sociales. En effet, des anthropologues comme Abram Kardiner ou Margaret Mead, travaillent sur le lien entre les modèles culturels d'une société donnée et les types de personnalité des individus qui la composent. Il va travailler dans les années 1930 dans des réserves indiennes Sioux et réfléchir au déracinement de ces indiens. Dans Enfance et société, il tente de dépasser la théorie freudienne en mettant l'accent sur le rôle des interactions sociales dans la construction de la personnalité. Selon lui, l'identité personnelle se développe tout au long de la vie à travers huit âges qui correspondent à huit phases du cycle de vie. Dans ce contexte, la « crise des identités » (expression forgée par Erikson) correspond à un tournant dans le développement de l'identité : la plus notable est celle qui se produit à l'adolescence.
D'autres scientifiques participent à la diffusion du terme d'identité dans les années 50 : Gordon W.Allport (The nature of prejudice) qui lie pour la première fois identification et ethnicité ; Nelson N.Foote qui introduit une sociologie des rôles sociaux en définissant l'identification comme l'appropriation par un individu d'une identité ou d'une série d'identité. L'identification serait le processus qui permet de comprendre pourquoi nous cherchons à jouer un certain rôle.
Robert K.Merton contribuera aussi à populariser la terminologie de l'identité à travers sa sociologie du groupe de référence (qui désigne le groupe auquel l'individu s'identifie et emprunte les normes et les valeurs sans qu'il en soit nécessairement membre.
Mais c'est surtout à travers le courant de l'interactionnisme symbolique que la notion d'identité acquiert une place déterminante dans le vocabulaire de la sociologie. Cette école travaille sur la manière dont les interactions sociales forgent la conscience qu'a l'individu de lui-même. Précisément, l'interactionnisme symbolique passe de la terminologie du soi à celle de l'identité en 1963, sous l'impulsion d'Erving Goffman dans « Stigmate et identité sociale » (dans Stigmate, les usages sociaux des handicaps) et de Peter Berger qui met l'identité au cœur de la théorie des rôles et du groupe de référence dans Invitation à la sociologie.
La montée des identités
C'est donc dans les années 60, aux Etats-Unis, que se diffuse le terme d'identité dans les sciences sociale. Le contexte politique va renforcer la terminologie identitaire en l'imposant dans le vocabulaire médiatique et dans l'analyse sociale et politique. En effet, dans les années 60, la minorité afro-américaine, notamment avec la naissance des Black Panthers en 1966. D'autres minorités vont ensuite revendiquer leur reconnaissance et leur spécificité (création des Afro-american studies, Gender studies, Chicano studies...). Les études postcoloniales, avec des penseurs comme Edward Said vont pour leur part interroger les identités hybrides, mêlées, qu'a pu créer l'histoire coloniale.
Le sentiment d'appartenance identitaire ne faiblit pas dans les années 90 puisque des enquêtes statistiques montrent qu'entre 1980 et 1990, le nombre d'Américains à se déclarer officiellement « amérindiens » augmente de 255% et ils sont sur la même période également vingt fois plus nombreux à se déclarer cajuns !
L'identité est devenue incontournable dans les recherches sur l'immigration, le nationalisme, la religion ou la famille que dans les travaux sur l'ethnicité et si dans les sciences sociales, c'est aux Etats-Unis que se diffuse le plus le terme d'identité, la notion gagne rapidement l'Europe. Cet écart temporel s'explique par les spécificités de l'histoire américaines :
- le poids des minorités ;
- la faiblesse institutionnelle de la gauche et donc de l'analyse sociale et politique en termes de classes sociales qui a laissé le champ libre aux revendications identitaires.
Identité et modernité
Le succès de la terminologie identitaire est certainement aussi le reflet d'une tendance historique beaucoup plus générale et lourde : celle de l'affirmation de l'individu. Telle est la thèse de nombreux chercheurs travaillant sur les spécificités de notre modernité.
Le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans l'Invention de soi. Une théorie de l'identité. (Armand Colin. 2004) note que "L'identité est un processus marqué historiquement et intrinsèquement lié à la modernité. L'individu intégré dans la communauté traditionnelle tout en se vivant concrètement comme un particulier, ne se posait pas de problèmes identitaires tels que nous les entendons aujourd'hui. ". En somme, si nous sommes entrés dans l'ère des identités, c'est précisément parce qu'elles ne vont plus de soi, qu'elles prennent des formes multiples et restent à construire.
On observe dans ce contexte une réflexivité croissante des individus qui ne cessent de s'interroger sur tout, ce qui rend leur action toujours plus incertaine. C'est désormais au sujet lui-même de se construire et la quête de l'identité peut être une démarche éprouvante. Alain Ehrenberg souligne ainsi dans La fatigue d'être soi. Dépression en société. (Odile Jacob. 2000 (1998)) que la dépression est le symptôme le plus net de cette difficulté à désormais déterminer soi-même son identité.
La notion d'identité signerait donc le retour en force de l'individu dans les sciences sociales et humaines au risque d'oublier le poids des institutions dans la construction identitaire ou de s'abandonner à un effet de mode.
Essai de précision d'un concept paradoxal
Nous pouvons retenir avec Claude Dubar dans La crise des Identités, deux grands types de position pour appréhender la définition des identités depuis les origines de la pensée philosophique : une position essentialiste et une position existentialiste ou nominaliste.
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Une position essentialiste qui repose sur la croyance en des « essences », des réalités essentielles, des substances à la fois immuables et originelles. L'identité des êtres est ce qui fait qu'ils restent identiques, dans le temps, à leur essence. Parménide que nous connaissons surtout par Platon qui présente et discute sa pensée dans trois dialogues (le Théétète, le Sophiste, le Parménide) semble être le premier a avoir énoncé la conception essentialiste, dans son célèbre Poème écrit au Ve siècle avant Jésus-Christ. Sa formule est « l'être est, le non-être n'est pas » a été comprise comme l'affirmation que « l'identité des êtres empiriques », quels qu'ils soient, c'est « ce qui reste le même en dépit des changements ». Pour qualifier ces essences, pour définir ces permanences, il faut les rattacher à des « catégories », des genres qui regroupent tous les êtres empiriques ayant la même essence. Chaque catégorie définit le point commun « essentiel » de tous ceux qu'elle regroupe.
Une autre conception de l'identité, que l'on appellera nominaliste ou existentialiste, opposée à la précédente, apparaît presque un siècle avant Parménide et est généralement attribuée à un autre philosophe « pré-socratique » : Héraclite qui écrivait : « on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve. »... « tout coule ». L'idée est qu'il n'y a pas d'essences éternelles. Tout est soumis au changement. L'identité des individus dépend de l'époque considérée, du point de vue adopté et la façon de les nommer est historiquement variable.
La notion d'identité est donc dans paradoxale. La position « essentialiste » postule en effet qu'il y a une singularité de chaque être humain et une appartenance également essentielle qui ne dépend pas du temps, mais est hérité à la naissance. La position « nominaliste » refuse de considérer qu'il y a des différences spécifiques a priori et permanentes entre les individus. Ce qui existe ce sont des modes d'identification, variables au cours de l'histoire collective et de la vie personnelle.
Le paradoxe est donc dans le fait que l'identité définit ce qui fait la singularité de quelqu'un par rapport à quelqu'un d'autre : l'identité c'est la différence. Mais en même temps, l'identité cherche à définir le point commun : l'identité, c'est l'appartenance commune. Le paradoxe de l'identité est que ce qu'il y a d'unique est ce qui est partagé.
On ne peut donc penser l'identité sans penser l'altérité (l'autre). On retiendra ainsi que les manières d'identifier sont de deux types : les identifications attribuées par les autres (« les identités pour autrui ») et les identifications revendiquées par soi-même (« les identités pour soi »). Ces deux types de catégorisations peuvent très bien coincider, par exemple lorsqu'un individu intériorise son appartenance héritée et définie par les autres comme la seule possible voire pensable. Mais ces deux types d'identification peuvent aussi diverger. On peut refuser les identités qui nous sont attribuées et s'identifier autrement que ne le font les autres.
Le passage d'un mode d'identification « pour autrui » à un mode d'identification « pour soi » expliquerait en partie ce que l'on qualifie aujourd'hui de crises identitaires : identités sexuées, religieuses, nationales, identités au travail...
En effet pour beaucoup de sociologues on assisterait à un mouvement historique de passage d'un certain mode d'identification à un autre. Max Weber souligne ainsi bien le passage de formes identitaires communautaires à des formes sociétaires d'identification.
Les formes identitaires communautaires supposent l'existence de groupements appelés « communautés » considérés comme des systèmes de places et de noms préassignés aux individus et se reproduisant à l'identique à travers les générations. (Claude Dubar, La crise des identités, p.4). Qu'il s'agisse de « cultures », de « nations », « d'ethnies » ou de « corporations », ces groupes d'appartenance sont considérés comme des sources « essentielles » d'identités. L'identification « pour autrui » prime ici sur l'identification « pour soi ».
Les formes sociétaires supposent l'existence de collectifs multiples, variables, éphémères auxquels les individus adhèrent pour des périodes limitées et qui fournissent des ressources d'identification qu'ils gèrent de manière diverse et provisoire. Dans cette perspective chacun possède de multiples appartenances qui peuvent changer au cours d'une vie. On observe ici le primat d'un sujet individuel sur les appartenances collectives et de la primauté des identifications « pour soi » sur les identifications « pour autrui ».
La plupart des crises que l'on observe aujourd'hui reflètent donc en particulier pour Claude Dubar le passage de formes communautaires d'identification à des formes sociétaires d'identification. Nous allons essayer de comprendre les mutations en cours dans différents domaines de l'activité sociale : la famille, le travail, les institutions religieuses, étatiques,...
Sur l'identité nationale
Quelques synthèses d'ouvrages sur ce thème
G. Noiriel, A quoi sert "l'identité nationale" ?, Marseille, éditions Agone, collection "Passé & présent", 2007. Lire la présentation de "La Vie des Idées".
G. Noiriel (dir.), L'Identification, genèse d'un travail d'État, Paris, Belin, 2007. Lire la présentation de "La Vie des Idées".
N. Rouvière, Astérix ou la parodie des identités. Flammarion, coll. "Champs", 2007. Lire la présentation de "La Vie des Idées".
P. Weil, Liberté, égalité, discriminations : "L'identité nationale" au regard de l'histoire, Paris, Grasset, 2008. Lire la présentation de Nonfiction.
Religion, politique et crise des identités symboliques : l'analyse de Claude Dubar
Une présentation du Chapitre 4 de la crise des identités.
Une sélection d'articles et de synthèses d'articles sur le thème de l'identité nationale
La nation : une communauté culturelle et politique construite
Les pays européens ont construit au XIXe siècle une «identité nationale» selon des modalités comparables en attribuant notamment un rôle particulier à l'enseignement de l'histoire. Pourtant, les conflits de la première moitié du XXe siècle se sont traduits par une longue éclipse de la référence à la nation, au profit de valeurs supranationales (internationalisme marxiste notamment) ou d'affirmation d'identités régionales. Le thème de la nation revient néanmoins avec force dès les années 1980 et la notion d'identité nationale redevient un thème clef du débat politique, après avoir, dès la fin du XIXe siècle, participé à structurer le clivage gauche / droite.
La construction de l'identité nationale.
Une remobilisation récente du concept d'identité nationale.
La question nationale contre la question sociale : pour une lecture du clivage droite / gauche en France.
Le modèle d'intégration républicaine en question
La référence à l'universalisme du modèle républicain est au fondement de la culture politique française. L'Etat a participé à la construction d'une identité fondée sur l'égalité des individus émancipés de déterminants tels que l'origine, le sexe, la race ou encore la religion. La nation, «une et indivisible» est ainsi constituée de citoyens unis par des valeurs partagées. Ce modèle d'intégration se heurte très vite à un certain nombre de difficultés et, sous l'impulsion du droit communautaire, se voit aujourd'hui soumis à l'impératif de prendre en compte les discriminations dont font l'objet certains citoyens.
Quelques éléments d'analyse : L'universalisme républicain en question.
Pour approfondir :
Gérard Noiriel, "Petite histoire de l'intégration à la française", Le Monde Diplomatique, Janvier 2002.
Streiff-Fénart Jocelyne, "Modèle républicain et discriminations ethniques : un dilemme français", Faire savoirs, n°1, mars 2002.
L'idéologie de l'identité nationale ou ethnique : une stratégie politique ?
La construction d'identités nationales ou ethniques présente souvent un intérêt politique. Une compétition électorale vive a ainsi contribué à faire émerger le concept «d'ivoirité» en Côte-d'Ivoire, tandis que la nécessité de mettre en place une élite comme relai du pouvoir colonial a participé à l'«ethnicisation» du Rwanda. Deux exemples parmi d'autres pour retracer le processus de construction identitaire et ses enjeux.
Laurent Bazin, "L'idéologie de l'identité nationale, un facteur de désagrégation de la société. Eclairages à partir de la Cote d'Ivoire" in Savoir/agir, n°2, décembre 2007.
L'ethnicisation d'un conflit : Rwanda un conflit ethnique sans ethnie. Quelques pistes d'analyse.
Mouvements sociaux et identités collectives
Manuel Castells observe l'émergence de mouvements sociaux qui résultent de l'interaction entre la mondialisation (qu'impulse la technologie), le pouvoir de l'identité (sexuelle religieuse, nationale, ethnique, territoriale, sociobiologique) et l'Etat (avec ses institutions).
Dans ce contexte, l'identité des acteurs sociaux est un processus de construction du sens à partir d'un ou plusieurs d'attributs culturels et selon trois idéaux-types : les identités légitimantes, les identités résistances et les identités projets. Les transformations en jeu viennent bousculer la légitimité des Etats-Nation.
Manuel Castells, Le pouvoir de l'identité, Fayard, 1999.
De l'identité européenne
Les identités nationales reflètent des récits et des «imaginaires» dont l'objet est de rapprocher les individus en leur offrant la possibilité de se définir par rapport à un groupe. La construction d'une identité européenne passe également par des récits mais qui restent largement adaptés aux divers cadres nationaux. En outre, la constitution d'une potentielle identité européenne, difficile à mesurer, passerait largement par un attachement volontaire à des valeurs ou à principes éthico-juridiques universels (liberté, solidarité, pluralisme, tolérance) particulièrement dissociés de l'ordre culturel.
Sophie Duchesne, "Quelle identité européenne ?", Cahiers Français, n°342, janvier-février 2008.
Jan-Werner Müller, Constitutional Patriotism, Princeton et Oxford, Princeton University Press, 2007. Une analyse de "la vie des Idées".
Voir aussi le dossier de nonfiction.fr sur l'identité et les valeurs de l'Europe.
Sur l'identité au travail
La crise des identités professionnelles : l'analyse de Claude Dubar
Des synthèses d'ouvrages et d'articles de référence sur ce thème
Eric Roussel, Vies de cadres. Vers un nouveau rapport au travail, Presses universitaires de Rennes, coll. "Le sens social", 2007.
Paugam Serge, Le salarié de la précarité, PUF, collection "Quadrige", 2007.
Voir le dossier de SES-ENS sur "La sociologie du travail autour de Michel Lallement": l'ouvrage de M. Lallement sur le travail revient sur la question de l'identité. Cette notion est également longuement évoquée dans une question de l'entretien qu'il nous a accordé.
Télécharger : SES/rmtomp4/m4a/lallement/question6.m4a
Famille et mutations identitaires.
Des synthèses d'ouvrages et d'articles de référence sur ce thème
Voir tout d'abord le dossier de SES-ENS sur "La sociologie de la famille autour de Jean-Hugues Déchaux". A travers l'ouvrage de Jean-Hugues Déchaux, les principaux bouleversements de la famille sont analysés et notamment la progression de "l'individualisme moral", concept clef pour aborder les mutations identitaires qui affectent les membres de la famille.
Voir aussi le dossier de SES-ENS sur "Muriel Darmon et le concept de socialisation" pour comprendre les mécanismes complexes de la socialisation qui participent à la construction des identités individuelles.
L'injustice ménagère. Armand Colin, 2007.
Jean-Claude Kaufmann. L'invention de soi. Une théorie de l'identité, Armand Colin, 2004. Edition de poche : Hachette-Pluriel, 2005.
Séminaire de sociologie des migrations et des relations interethniques. Jean-Claude Kaufmann : "L'invention de soi - Une théorie de l'identité".
Emission radio avec Jean-Claude Kaufmann sur Canal Académie : "Qu'est-ce que l'identité ?".
Stéphanie Fraisse-D'Olimpio pour SES-ENS.
Bibliographie de Claude Dubar
[1] C.Dubar, C.Gadéa (dir.), La promotion sociale en France, PU du Septentrion, 1999.
[2] C.Dubar, La formation professionnelle continue, La Découverte, Repères, 5e édition, 2004.
[3] C.Dubar, L'autre jeunesse. Des jeunes sans diplômes dans un dispositif de socialisation. PU du Septentrion, 1997.
[4] C.Dubar, F.Tripier, Sociologie des professions, A.Colin, 2e édition, 2005.
C.Dubar, Y.Lucas, Génèse et dynamique des groupes professionnels. PU du Septentrion, 1998.
[5] C.Dubar, Faire de la sociologie- Un parcours d'enquêtes. Belin, 2006.
C.Dubar, D.Demazière, Analyser les entretiens biographiques - L'exemple des récits d'insertion, 2e édition, Presses de l'Université Laval, 2004.
[6] C.Dubar, La socialisation. Construction des identités sociales et culturelles, A.Colin, 3e édition, 2000.
[7] C.Dubar, La crise des identités- L'interprétation d'une mutation. 2e édition. PUF.2007.