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Les théories de la firme

Publié le 14/12/2011
Auteur(s) - Autrice(s) : Magali Chaudey
La théorie économique de la firme qui se développe à partir des années 1970 se pose essentiellement une question : qu'est ce qu'une firme ? Cette question, qui semble pourtant d'une grande simplicité, n'est pas encore complètement résolue aujourd'hui, tant du point de vue théorique qu'empirique. Cet article de Magali Chaudey, chercheure au GATE-CNRS, propose un panorama des différentes approches théoriques de la firme (approches contractuelles et cognitivistes) pour ensuite s'intéresser aux travaux empiriques issus de ces analyses théoriques.

Introduction

Alors que l'entreprise est un agent économique central, elle n'a occupé qu'une place marginale en sciences économiques jusque dans les années 1970 et la redécouverte de l'article de R. Coase de 1937 [1].

Aujourd'hui encore, pour la théorie de l'équilibre général, pour les théories des marchés ou pour une partie de l'économie industrielle, l'entreprise est assimilée à une «boîte noire» ou un «point». En effet, la théorie économique néoclassique a pour objet l'étude des marchés et des mécanismes de prix. La firme ne joue pas un rôle central dans ce cadre-là, seules importent la quantité de ressources qui «entre» dans la firme, les inputs (capital, travail, matières premières...) et la quantité de biens qui en «sort», les outputs, directement vendus sur le marché (d'où le terme de «boite noire» pour qualifier l'entreprise). Cette conception de la firme néoclassique repose sur des hypothèses fortes. (i) L'entreprise est assimilée à un agent économique individuel. Rien n'est dit sur le fonctionnement interne de l'entreprise et en particulier sur les conflits d'intérêt. (ii) Le comportement de l'entreprise est assimilé à celui de l'entrepreneur. Celui-ci, comme tout agent économique, a un comportement parfaitement rationnel (il a une information parfaite et des capacités d'analyse infinies). L'objectif poursuivi est unique : la maximisation du profit.

C'est l'irréalisme de ces hypothèses qui va justifier la remise en cause de cette vision de la firme et le développement de conceptions alternatives de l'entreprise. Mais au final, on retiendra aussi que la firme néoclassique est avant tout un acteur des échanges sur les marchés et qu'elle n'a pas vocation à être elle-même sujet de l'analyse néoclassique.

Au-delà de la remise en question de ce cadre néoclassique, les approches théoriques de la firme présentées dans cette synthèse ont bénéficié du développement de trois approches originales de l'entreprise, davantage basées sur l'observation du fonctionnement des firmes réelles.

Une première analyse majeure de l'entreprise est celle d'A. Berle et G. Means. Leur ouvrage de 1932 [2] est le point de départ de ce que l'on a appelé la «révolution managériale». L'idée centrale de ces auteurs est de montrer que le développement de la grande société par actions, et la dispersion de la propriété entre un grand nombre d'actionnaires, tend à entraîner la séparation de la propriété et du contrôle de l'entreprise. Le pouvoir de décision appartient aux managers et la propriété aux actionnaires. Cette approche inspirera par la suite la théorie de l'agence dans sa représentation de l'entreprise.

La deuxième approche est l'approche dite «behavioriste» de Cyert et March. Leur ouvrage de 1963 [3] présente l'entreprise comme une organisation complexe, constituée de groupes aux intérêts divers et caractérisée par des rapports simultanés de conflits et coopération. Les auteurs précisent que la firme est aussi le lieu d'apprentissages collectifs, thème qui sera repris par les approches évolutionnistes de la firme.

Enfin l'analyse d'A. Chandler [4] à la fois dynamique et historique, va initier l'approche de R. Coase en présentant la firme comme une institution complexe, fondée sur un système de coordination administrative et hiérarchique.

La théorie de la firme qui se développe à partir des années 1970 se pose essentiellement une question : qu'est ce qu'une firme ? Cette question, qui semble pourtant d'une grande simplicité, n'est pas encore complètement résolue aujourd'hui, tant du point de vue théorique qu'empirique. Du point de vue théorique le problème vient du manque d'unité dans les approches théoriques de la firme, et donc de la pluralité des réponses apportées à cette question. Certaines approches vont davantage répondre à la question de la nature et des frontières de la firme afin de savoir quand une transaction doit se dérouler dans une entreprise ou sur le marché (analyses de R. Coase ou O. Williamson par exemple). D'autres approches s'intéressent à la structure interne de la firme : comment une entreprise est-elle organisée ? Quels en sont les modes d'incitation et de contrôle (théorie des incitations) ? D'un point de vue empirique le problème est celui de l'observation de formes très diverses d'organisation (firmes, marché mais aussi sous-traitance, réseau de franchise...) et de la concordance entre ces observations et les enseignements théoriques.

Cette synthèse s'articule autour de trois thèmes. Dans une première partie, nous présentons trois approches représentatives d'une conception contractuelle de la firme : la théorie des coûts de transaction, dans le prolongement des travaux de Coase, la théorie des incitations et enfin la théorie des contrats incomplets. Dans une seconde partie nous introduisons des approches alternatives aux théories contractuelles : les approches dites cognitivistes. Dans une dernière partie nous présentons la question des tests empiriques issus des analyses théoriques.

Sommaire

1. L'APPROCHE CONTRACTUELLE DE LA FIRME

1.1. La théorie des coûts de transaction

1.1.1. R. COASE et la question de l'existence de la firme

1.1.2. O. WILLIAMSON et la définition des coûts de transaction

1.2. La théorie des incitations

1.3. La théorie des contrats incomplets

2. LES APPROCHES COGNITIVISTES DE LA FIRME

2.1. Les précurseurs

2.2. L'approche évolutionniste

3. THEORIE DE LA FIRME ET ANALYSES EMPIRIQUES

3.1. Les travaux empiriques dans le cadre de la théorie des incitations

3.2. Les travaux empiriques dans le cadre de la théorie des coûts de transaction

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Magali Chaudey, Université de Saint-Etienne et GATE-CNRS, pour SES-ENS.


Notes

[1] Coase R. (1937), "The Nature of the Firm", Economica, 4(16), p.386-405. Traduction française : La nature de la firme, Revue française d'économie, II, hiver 1987.

[2] Berle A. et Means G. (1932), The Modern Corporation and Private Property, Transactions Publisher.

[3] Cyert R. et March J. (1963), A Behavioral Theory of the Firm, Englewood Cliffs, Prentice-Hall.

[4] Chandler A. D. (1990), Scale and Scope, The Dynamics of Industrial Capitalism, Cambridge (Mass.), The Belknap Press of Havard University Press. Chandler A. D. (1992), "Organizational Capabilities and the Economic History of the Industrial Enterprise", Journal of Economic Perspectives, Volume 6, N°3.

 

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